Depuis peu, l’ouvrage manifeste des signes d’insalubrité inquiétants, Enquête.

Entrée du quartier Toutouli, sur l’autoroute Yaoundé-Nsimalen, ce 6 février 2025. Des espaces verts transformés en dépotoirs par des riverains. Tout s’y trouve: déchets verts, déblais de démolition, plâtre, ferraille, encombrants ménagers, pare-brise des véhicules, phytosanitaires, pots de peinture, aérosols, batteries, piles, cendres et résidus, etc. En plus des animaux domestiques errants. L’endroit attire également des récupérateurs qui fouillent dans la décharge, cherchant tous ce qui est valorisable. La géomorphologie du site et la pente abrupte favorisent le drainage et l’écoulement des déchets vers l’aval, augmentant ainsi le risque de transfert des polluants vers le cours d’eau voisin au fond d’un vallon boisé. «C’est ici que j’ai grandi, là où maintenant se trouve une poubelle géante, là, passait le ruisseau, et j’allais jouer et me baigner avec les copains, on a eu quand même du bon temps ici, vraiment on ne se voit pas ailleurs», désole papa Ndoumba, patriarche du coin.
Proximité
A quelques endroits, le trottoir est devenu impraticable. Des habitants qui doivent enjamber une montagne d’ordures pour rentrer chez eux. Et lorsqu’ils font référence à ce qui se passe ici depuis quelque temps, ils évoquent un espace défiguré, souillé par la décharge. Les atteintes à la santé deviennent aussi par extension des atteintes aux maisons par la dévalorisation foncière, et à leur quartier par la présence de la décharge. «De plus en plus nombreux sur cette autoroute, ils ont fini par produire une nouvelle proximité entre les ordures et nous les riverains. Nous qui habitons le coin commençons à avoir les moustiques dans les maisons, ce qui n’existait pas. Je me rends compte que j’ai le nez qui saigne, je ne suis pas le seul. Ma femme, pareil, mon fils qui habite là aussi. Il a sans arrêt des problèmes respiratoires. Et toujours cette odeur lancinante qui est très piquante le soir et très piquante le matin et, au gré des vents, qui disparaît… Et là, on se rend compte qu’il y en a plein d’autres à avoir les mêmes symptômes que nous», expose papa Ndoumba.
Victimes
Dans ce contexte, nombreuses sont les incertitudes qui pèsent sur ce type de pollution, notamment sur les conséquences des faibles expositions à certaines molécules toxiques. Dans ce contexte aussi, les riverains se présentent comme des victimes. Si, il y a quelques mois seulement, c’était «la belle autoroute, comme beaucoup en garde le souvenir, actuellement, son visage en fait un de ces tronçons routiers écarté de sa vocation initiale. Dans le récit des riverains, on ne sait pas qui jette les ordures ici. Tout au plus, quelques personnes allèguent que «ces ordures sont jetées par des personnes venant de loin. Elles viennent dans la nuit avec leurs véhicules et balancent les ordures quand tout le monde est déjà couché». Malgré les progrès faits en matière de sécurité et de gestion des déchets et les travaux d’aménagement régulièrement menés sur les décharges par quelques habitants, le décor est décrit comme répugnant: «Je me bats contre cette décharge, je ne la veux pas, c’est dangereux, elle me révulse», s’emporte un jeune. Si d’autres jeunes se remémorent le temps où la décharge n’était qu’un «tas d’ordures», leur préoccupation nouvelle vis à vis de la situation actuelle est d’interpeler les autorités en charge de la gestion des déchets dans la ville de Yaoundé. Sur le coup, nombreux sont ceux qui, d’une part, questionnent le rôle des caméras accrochées le long de l’autoroute et, d’autre part, les élus locaux sur ce nouveau décor qui affecte leur quotidien. Là aussi, la situation est celle d’un «bras de fer» entre les autorités publiques et les riverains. Pour en parler, ces derniers utilisent plutôt l’image assez classique de la «lutte du pot de terre contre le pot de fer».
