ARTICLE DE BLOG

Haro sur l’immigration des Camerounais vers le Canada: une consécration de la paresse intellectuelle

L’actualité camerounaise et, plus largement, la société camerounaise semblent être en émoi face à des chiffres portés à l’attention du public sous la forme d’un cri d’alarme du Président du Groupement des Entreprises du Cameroun (GECAM) concernant la fuite des cerveaux, et plus précisément d’une main-d’œuvre qualifiée vers le Canada. Il indique notamment que le Cameroun est le deuxième pays le plus spolié après la France.  Comme dans un choralisme (passez-moi l’expression pour indiquer la reprise en chœur et dans une exactitude harmonique, mélodique et des paroles) béat, tout le monde s’y est engouffré – les nouveaux intellectuels au gré de leur rapprochement ou leur éloignement de certains courant de pensée même la très sérieuse Crtv – pour reprendre ce qui apparait, avec beaucoup de biais, assez peu fondé. Certains sont même allés jusqu’à avancer des chiffres surréalistes, postulant que 85% de ces émigrants sont des personnels hautement qualifiées et titulaires d’un niveau minimal équivalent au baccalauréat plus 5 ans. Permettez-moi de ramer à contre-courant de cette dynamique tendant à dire la même chose, soit pour faire plaisir, soit par paresse intellectuelle. Premièrement, l’immigration du Cameroun, vers les pays occidentaux ou encore vers des multinationales relèvent d’une dynamique de quête du bien-être auquel a droit chaque citoyen du monde, et donc s’articule autour de la gestion des talents et des compétences pour ce qui concerne le pays d’origine, mais aussi d’une politique d’attraction ou d’attractivité mise en place par les pays cités en premier. Il y a plus d’une décennie, Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur en France, évoquait un changement de cap en matière d’immigration et parlait d’immigration choisie, en raison de l’absence de certaines compétences, fortement corrélées à l’évolution démographique et l’orientation vers certaines filières. Donc qu’on ne se trompe pas, le Canada, comme les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Belgique, la Grande Bretagne, cherchent des compétences qui leur font défaut. Ce n’est pas aujourd’hui que ça a commencé. Cette tendance à indiquer que le Canada spolie le Cameroun de ses compétences est juste une ignorance du principe de la mobilité professionnelle dans la construction individuelle des carrières. Des Indiens, des Chinois, des Coréens, des Nigérians, Sénégalais, Marocains, Algériens exercent bien et en grand nombre dans les pays autres que leur nationalité. Deuxièmement, permettez-moi de mettre en relief des biais sur les données en question qui me paraissent parfois volontairement choisis. D’abord, il y a la confusion (volontaire ou naïve) entre le Canada et le Québec. Oui, sur l’année 2023, le Cameroun, tient le podium, derrière la France, des pays d’origine des personnes immigrées vers le Québec, qui, soit dit en passant, est une Province francophone. L’avantage de la langue fera donc que les Camerounais d’expression française seront privilégiés dans celle-ci et la privilégieront. Mais sur la période allant de 2019 à 2023, le Cameroun se classe derrière la France et la Chine et le nombre total d’immigrés originaires de notre pays dans cette province est d’un peu plus de 14 000, rien à voir avec les 27 00 ou 29 000 annoncés, selon les cas et les sources (très souvent douteuses). Si l’on fait la différence entre le Canada et le Québec, le second étant une entité infranationale du premier, on ira singulièrement regarder le rapport du Parlement Canadien sur l’immigration qui ne fait pas du Cameroun, un pays du top dix des nationalités immigrant vers ce pays. Le Pavé d’or est détenu par la Chine, suivie de l’Inde ou la France. Même en Afrique, le Nigéria, le Maroc passent devant le Cameroun. Autre biais, qui me paraît consacrer la paresse intellectuelle, est celui de la comptabilisation des personnes immigrées sans faire la distinction entre les formes d’immigration ou encore la distinction de certaines variables comme le niveau de qualification. Une fuite des cerveaux décrétée sur la seule base du quantum de personnes immigrées est le symbole de l’indolence intellectuelle qui entoure cette affaire. Tous les rapports sur la question indiquent que les formes d’entrée au Canada sont soit la résidence permanente à travers le programme des travailleurs qualifiés, soit les admissions temporaires, notamment les visas étudiants (qui ne sont pas des cerveaux tout faits et prêts à l’emploi), soit les regroupements familiaux pour les personnes résidant au Canada ayant leur famille dans leur pays d’origine, soit le programme à vocation humanitaire en direction des réfugiés, suite à l’instabilité dans diverses régions du monde. Il n’est donc pas possible que les 14 135 immigrés Camerounais au Canada, soient en totalité, de la main d’œuvre qualifiée, puisque moins de 25% s’y installent avec un permis de travail. Revenons à ce quantum, pour indiquer que le programme offrant la résidence permanente, sur la base de la qualification du Chef de famille, ou de celui qui présente le profil apparemment, le plus digne d’intérêt, prend donc en compte les conjoints et les enfants qui ne sont non plus des cerveaux en fuite. Un effort de recherche nous aurait permis, auprès des officiels canadiens, et même plus facilement grâce aux documents consultables en ligne (www.statcan.gc.ca, https://statistiques.quebec.ca, www.canada.ca ), d’éviter de dire des incorrections, pour ne pas dire des mensonges. Troisièmement et enfin, si je reconnais le droit de chacun à chercher un pâturage où l’herbe est verte, je voudrais m’interroger sur la pertinence de la sortie du Patron des Patrons, donc de celui qui est censé garantir l’emploi des jeunes diplômés, sans qu’il ne se remette en question. Combien sont ces jeunes qui cherchent en vain des stages académiques avec des recommandations de leurs écoles de formations, mais se voient opposer un mutisme parlant de la part des entreprises locales ? Ceux qui ont le courage de solliciter des stages professionnels pour se perfectionner ne sont pas écoutés ; les plus chanceux étant traités comme des travailleurs au noir dans leur propre pays. Quels sont les programmes d’insertion des jeunes diplômés proposés par nos entrepreneurs locaux, quand on sait que la loi des finances 2022, donnait des facilités fiscales pour les contrats en direction des juniors ? Quelle garantie donne-t-on aux jeunes quand