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Logements sociaux : les exclus de l’inclusion

Des voix s’élèvent pour dénoncer le caractère élitiste des plafonds des revenus pour l’accès aux logements sociaux au Cameroun. Vendredi 20 septembre 2024 à Yaoundé, la ministre de l’Habitat et du Développement Urbain (Minhdu) et le ministre des Finances (Minfi) brandissent des parapheurs verts à la presse. Aux micros de celle-ci, Célestine Ketcha Courtès et Louis Paul Motaze annoncent et expliquent les 4 principales conditions auxquelles doit se soumettre tout usager qui sollicite à titre locatif un logement social au Cameroun. Ils parlent notamment des plafonds des revenus pour l’accès aux logements sociaux au Cameroun et pour des taux minima et maxima d’affection de la redevance dans la location-accession à la promotion immobilière. Faites sur tous les tons, les déclarations relatives sont riches et détaillées. En effet, dit Célestine Ketcha Courtès, «pour ce qui concerne l’arrêté fixant les plafonds des revenus pour l’accès aux logements sociaux, il s’agit d’un texte de 4 chapitres et 11 articles. Suivant cet arrêté, il est interdit à tout acquéreur de vendre son logement avant l’expiration d’une période minimale d’occupation de 10 ans. Désormais, les critères d’attribution des logements sociaux tiennent compte des revenus et de la taille des ménages, avec une priorité accordée aux personnes vulnérables. Ainsi donc, le plafond des revenus pour l’accès aux logements sociaux concernant la location est de 350 000 FCFA par mois et 500 000 FCFA par mois pour l’accession». Et Louis Paul Motaze de compléter: «Quant à l’arrêté fixant les taux minima et maxima d’affectation de la redevance dans la location – accession au Cameroun, il s’agit d’un texte de 3 chapitres et 5 articles. Suivant cet arrêté, il faut dire que concernant le logement social, les taux minima et maxima oscillent entre 28 et 33%. Et concernant les autres cas, ceux-ci vont de 10 à 33%. Il s’agit alors là des boussoles dans le cadre de l’attribution des logements sociaux, en termes de conditions d’éligibilité des potentiels acquéreurs, en tenant compte de leurs revenus, ainsi que de leurs capacités de paiements des taux minima et maxima d’affectation de la redevance. Une véritable avancée juridique dans la mise en œuvre de la transparence et de la justice sociale en ce qui concerne l’accès à ces logements sociaux». On a tout compris…«Tout cela est beau à entendre, mais dans la réalité, on découvre avec stupéfaction que ce programme n’est pas en réalité destiné à sa vraie cible, notamment, les Camerounais aux revenus modestes, puisqu’il s’agit de logements sociaux. Le nouveau dispositif peine à contenter tout le monde. S’il séduit beaucoup plus les gagne-gros, les gagne-petit, eux, ne sont pas prêts à s’engager», signale Dr Jean Freddy Ekani. Selon l’économiste, le mènent à un segment délimité du marché. S’inspirant d’une étude de l’Institut national de la statistique (INS) du Cameroun, il justifie sa position. «Cette enquête de l’INS publiée récemment présente une sentence sans équivoque: le chômage et les emplois précaires sont les principales sources de mauvais logement. L’argent reste le maître-mot puisqu’il implique plusieurs paramètres. Combien de Camerounais touchent 350 000 FCFA par mois Il faut tout de suite relever que ces plafonds pérennisent des obstacles infranchissables au petit payant. Il devient donc évident que pour une population au pouvoir d’achat relativement faible, le logement soit un luxe». Dans le même esprit, Raphael Honla, architecte-urbaniste se lâche. «Pour ne pas entretenir l’illusion dans la tête des pauvres, par respect, il eut été juste de ne pas parler de logements sociaux, parce que ce concept renvoie à un grand nombre, c’est-à-dire la masse populaire. Mais, à la réflexion, on découvre que le concept dit des «logements sociaux» a été lancé pour semer la confusion dans les esprits, et entretenir un rêve impossible à réaliser, c’est-à-dire celui pour un pauvre d’acquérir un logement dans ce programme. Au lieu de «logements sociaux», parlons plutôt de logements pour riches», pense-t-il. En restreignant le champ aux personnes de la classe la plus basse, Yaya Youssofa, activiste politique fait apparaître un paradoxe. «Quand on sait que le Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti), peine à atteindre 40 000 FCFA au Cameroun, comment un pauvre peut-il avoir accès à un logement de ce standing, alors que dans les bonnes intentions, il s’agissait de loger en priorité les classes moyennes. Il y a donc eu duperie dans cette opération, et les pauvres ont été une fois de floués, car leur nom a été abusivement utilisé auprès des institutions financières internationales en vue de l’obtention des fonds qui ont permis la construction de ces logements malignement appelés logements sociaux», fait-il remarquer. Bobo Ousmanou