Selon la Caisse Autonome d’Amortissement, les objectifs fixés à l’horizon 2024 sont respectés au 30 avril 2024, à quelques exceptions près.
«Dans les pays à faibles revenus, la dette est souvent perçue comme une source essentielle de financement du déficit budgétaire. Les États y recourent également pour stimuler les investissements et encourager une croissance durable». Ces paroles d’Adolphe Noah Ndongo peuvent se comprendre comme suit: le Cameroun, pays à faible revenu, n’a pas l’exclusivité de l’endettement. Depuis l’année 1952, le pays fait recours à des fonds étrangers pour financer des projets de développement. Aujourd’hui, «le débat autour de la dette publique a pris de l’ampleur. Les préoccupations collectives concernant un endettement excessif persistent, malgré les annonces fréquentes de nouveaux emprunts et la réalisation sans précédent de projets d’envergure à travers le Cameroun. Les Camerounais s’interrogent aujourd’hui sur la soutenabilité de la dette publique et la capacité de notre pays à conserver sa souveraineté face aux appétits de certains créanciers bilatéraux et multilatéraux», observe le directeur de la Caisse Autonome d’amortissement du Cameroun (CAA). Et c’est précisément pour mettre fin aux rumeurs qu’il a convié les hommes de médias à une rencontre ce 14 juin 2024. Objectif: tenir un échange sincère autour de la problématique de la dette publique au Cameroun.
Taux
De ces échanges ressortent quelques points importants. Pour atteindre les objectifs fixés et décrits dans divers documents de référence tels que le DSCE (Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi) et la SND30 (Stratégie nationale de Développement-Cameroun 2030), le Cameroun a mis en place une ingénierie économique et financière. Cela, explique le patron du service de la dette, a permis de mobiliser des ressources financières exceptionnelles sur les marchés des capitaux, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre pays. «Ainsi, notre endettement est passé de 1 379 milliards de FCFA en 2008 à 12 714 milliards de FCFA à la fin de mars 2024», fait-il savoir.
État des lieux
Au terme des quatre (04) premiers mois de l’année 2024, un montant de 199 milliards de FCFA a été mobilisé auprès de bailleurs de fonds extérieurs, soit le taux d’exécution des décaissements extérieurs de 19% par rapport au montant de 1 041 milliards de FCFA attendu pour l’année. Sur le plan domestique, les émissions des Obligations du trésor assimilable (OTA/OT) au cours des quatre premiers mois de l’année 2024, ont porté sur 22 milliards FCFA. Soit un taux d’exécution de 5% comparé au montant de 450 milliards de FCFA prévu en 2023. Quant aux Bons du trésor assimilables (BTA), les émissions se sont chiffrées à 250 milliards de FCFA, contre des remboursements enregistrés de 209 milliards de FCFA, soit une émission nette de 42 milliards de FCFA. Ce qui porte l’encours des BTA à fin avril 2024 à 461 milliards de FCFA, contre 231 milliards de FCFA visé à fin 2024.
«L’exécution de la stratégie d’endettement montre que la majorité de cibles fixées à l’horizon 2024 sont respectées au 30 avril 2024 à l’exception de: la maturité moyenne du portefeuille de la dette publique (7 ans) qui est largement en dessous de la cible minimale de 12 ans et la part de la dette intérieure à court terme qui se situe à 13% contre une cible maximale de 10%. Aussi, la cible relative à la composition du portefeuille de dette publique à fin 2024 n’est pas encore atteinte au 30 avril 2024. Cependant, si les niveaux des décaissements extérieurs (y compris les appuis budgétaires) prévus dans le plan d’endettement 2024 sont mobilisés, le poids de la dette extérieure (69%) devrait augmenter pour se rapprocher de la cible de 75% fixé à fin 2024», apprend-on de la CAA.
Joseph Julien Ondoua Owona
Gestion de la dette
Payer pour s’enrichir
Dans le cadre du règlement de la dette extérieure, l’État du Cameroun contracte trois types de dettes: la dette multilatérale, bilatérale et commerciale. De ce fait, le service prévisionnel cumulé au 31 décembre, annexé à la loi de Finance était estimé à 898 000 milliards de FCFA avec les paiements effectifs 723 389 milliards FCFA. Soit un écart de 171 611 milliards de FCFA constituant non seulement une surévaluation du service effectif de la dette extérieure, mais aussi l’eurobond qui est une partie de la dette payée par le Trésor. Selon la loi de finance 2024, le service prévisionnel cumulé au 31 décembre de l’année en cours est évalué à 825 000 milliards de FCFA; avec les paiements effectifs semestriels de 380 360.74 milliards de FCFA. Soit un reste à payer pour le second semestre de FCFA 444 639 milliards.
Dette Intérieure
Pour ce qui est du service du règlement de la dette intérieure, il concerne la dette structurée, structurée d’une part, et celle non structurée d’autre part. Pour le premier cas, le paiement doit uniquement se faire sur la base d’un échéancier de remboursement qu’établi la direction générale du Budget annexé à la convention ou protocole d’accord. Dans le cas de la dette non structurée, le paiement se fait en fonction de la demande des créanciers. Ceci, sur une dette auditée par les cabinets d’audit commis par le ministère des Finances (Minfi) et transmis à la CAA pour apurement, apprend-on.
Ainsi, le service prévisionnel hors titres Publics cumulés au 31/12/2023, annexé à la Loi des Finances, est estimé à 308.545 milliards de F CFA, avec les paiements effectifs de 271.811 milliards de FCFA, soit un écart de 36.734 milliards de FCFA constituant les arriérés. Tandis que le service prévisionnel hors titres Publics cumulés au 31 décembre 2024, annexé à la Loi des Finances, est estimé à 445.37 milliards de F CFA.
Joseph Julien Ondoua Owona
Noah Ndongo Adolphe
Il était une fois, la dette de l’Etat du Cameroun
Morceaux choisis de l’histoire contée par le directeur général de la Caisse Autonome d’Amortissement.
Les premiers emprunts du Cameroun remontent à la période coloniale, effectués auprès de la France (AFD) pour financer des projets énergétiques en 1952 et 1953. Après son indépendance, le Cameroun a poursuivi ses emprunts en 1963 auprès de la Banque Mondiale pour la construction de l’axe ferroviaire Yaoundé-Goyoum.
Jusqu’en 1985, l’endettement du Cameroun était modéré. Pour le développement de son économie et la construction des infrastructures de base telles que les routes, ports, aéroports, hôpitaux, écoles, et bâtiments publics, le Cameroun indépendant a continué à recourir à l’endettement auprès de partenaires multilatéraux et bilatéraux.
En 1986, une crise économique a frappé le pays. En 1988, l’entrée dans les programmes d’ajustement structurel a vu le stock de la dette publique exploser, atteignant 93% du PIB en 1992/93. La dévaluation de 100% du FCFA en 1994 a doublé la dette publique extérieure, et a fait passer la dette publique de 93% à 145% du PIB. En 1996, la dette a atteint un pic de 6 035 milliards de FCFA (126% du PIB).
Entre 1997 et 2000, sous le Programme économique et financier triennal, le Cameroun a bénéficié de l’Initiative PPTE[Pays pauvres très endettés], atteignant le point de décision en octobre 2000 et le point d’achèvement en avril 2006. Grâce aux techniques d’allègement telles que le rééchelonnement, l’annulation et le refinancement par don, la dette publique a atteint son plus bas niveau post-allègement en 2008, se situant à 1 379 milliards de FCFA (13% du PIB).
Depuis l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), notre pays a lancé un vaste programme de développement, structuré autour de la vision «Le Cameroun émergent, démocratique et uni dans sa diversité à l’horizon 2035».
Propos rassemblés par JJOO
