Steve Akam : vérités qui mentent ?

Loup ou agneau, l’activiste récemment happé au Gabon est cuisiné par le tribunal militaire de Yaoundé. Portrait.

« Ramon Cotta ». D’emblée, c’est rigide. Ça sonne difficilement camerounais. Pour beaucoup, ça n’appartient pas au lexique courant des patronymes locaux. Tant et si bien que son emploi métaphorique est perçu comme une étiquette que reprennent à leur compte les services spéciaux d’ici et d’ailleurs. C’est que, sous « Ramon Cotta », se cache un référent et un trait de singularisation d’un homme qui s’appelle à la fois Yves Kibouy Bershu et Steve Akam. Autour de lui, la chronique bruit. Son parcours s’emprunte comme on emprunte un layon en forêt. Seul celui à qui cela est raconté peut s’en amuser. D’abord, parce qu’il écoute une histoire mettant en scène un modeste tenancier d’un débit d boissons au marché Mont-Bouë à Libreville ; ensuite et surtout parce que la même histoire parle de quelqu’un qui revendique un séjour au Gabon depuis bien avant 2009. Il a été garde du corps pour André Mba Obame, décédé aujourd’hui et candidat à la présidentielle de cette année-là. Marié à une Gabonaise avec qui il a des enfants, il était profondément intégré dans son pays d’accueil. Cette histoire, d’aucuns suggèrent de l’interpréter comme élément de référence permettant de tisser les fils invisibles avec son arrestation. Celle-ci, l’ensemble des lignes et éléments qui la recouvrent offre un flot incessant de fabulations, d’anecdotes, qui trament un cercle opaque et enchanté autour de l’homme aux trois noms. 

Au Gabon (où il a été cueilli le 17 juillet dernier) et au Cameroun, le personnage inspire une terreur ubuesque aux services de renseignements. En d’autres termes plus austères, la seule silhouette de Steve Akam a le don de maximaliser des craintes. Notamment celles de son avocat, Me Hyppolite Meli. Pour le juriste, des traumatismes divers ont été infligés à son client. Et les séquelles sont visibles, déplore-t-il. « Il a le côté gauche en voie de paralysie ; il a des troubles visuels dus au fait qu’il avait reçu des projecteurs de lumière très vive ; sans oublier des blessures dues au fait qu’il avait été menotté aux pieds et aux mains », déballe Me Hyppolite Meli Tiakouang.

Entre-temps…

Il se raconte que c’est une âme mue par un instinct de déstabilisation des institutions de son pays. Des données fournies ici et là, l’on apprend que cela suffit pour insister sur la dimension d’exigence et de réclamation policière. S’appuyant sur la mémoire de ce qui a précédé l’arrestation de Steve Akam, les enquêtes développent encore un peu plus ce qu’il en est des grandes affaires et des secrets dont on parle depuis longtemps : Insurrection, tentative de coup d’Etat, outrage au chef de l’Etat, financement du terrorisme, trafic d’armes, et appel à la rébellion. Pour « Ramon Cotta », rien de vrai. 

Rien de faux

Ainsi s’ouvrent des fonds de dossiers méconnus. Des plus lointains aux plus proches, ceux-ci ne manquent pas de présenter des anecdotes inattendues qui jalonnent la vie d’un homme d’abord soumis à la déambulation compulsive et à l’errance et puis à la captivité. Et surtout, voilà qui suscite des discours interprétatifs de toutes sortes. En fait, on ne sait avec quels mots et sur quelle tonalité décrire Steve Akam. Certains engagent leur conviction qu’au milieu du bruit et de la fureur policière, quelques implications ou complicités peuvent être dépliées. Il s’agit, croit-on, d’un élément clé dans un système plus subtil car moins visible. Et dans ce cas, l’homme succomberait trop à la suspicion. Et à partir de là, d’autres assurent que rien n’exclut qu’il puisse être de mèche avec quelques opposants au régime de Yaoundé. Entre ces derniers et Steve Akam, soutient-on, il pourrait y avoir congruence d’intérêts afin de créer de nouvelles positions déstabilisatrices. Et selon que cet ensemble est saisi au niveau de sa dynamique interne ou de ses effets présumés, la force de « Ramon Cotta » ne serait pas nulle, semble dire Etoudi. Elle pourrait même, au nom de tous, de quelques-uns ou d’un seul, déployer une série de menaces à partir des réseaux sociaux qu’il maîtrise. Via cette agora technologique, chaque jour, il bourdonne à l’oreille d’Etoudi. Pour peu que l’on s’intéresse à ses déclarations sur la toile et dans le vacarme des boites, bars et snacks bar repérés dans la capitale gabonaise, il serait en train de mettre en place une sphère militairement fonctionnelle sur laquelle il exercerait un contrôle efficient de plans mafieux. Dans la pratique, peut-être à cause des délais géopolitiques et du temps qu’exige leur exécution, il y a tout lieu de considérer que l’homme est sérieux. A écouter Steve Akam, on dirait qu’il existe une véritable charte à partir de laquelle il élabore son cycle quotidien. Plus fondamentalement, l’on pourrait statuer que sa mentalité et ses ambitions sont, non seulement des caractéristiques innées, mais des plis de pensée façonnés par l’usage d’un certain outillage subversif. 

Ainsi, comme une étoile dont on perçoit seulement la lueur, ce projet relèverait toujours d’une forme d’obsession auto-entretenue qui semble vouée à se frotter aux récifs de Yaoundé. Selon la presse gabonaise, ceux qui suivent Steve Akam dans ses « envolées » voient en lui « un activiste au mental rigide et capable de mener une guérilla au profit de l’opposition camerounaise et de contribuer à accroître un processus de défiance généralisée ». Plus loin, il est clairement indiqué que « Ramon Cotta ne ménage aucun effort pour parvenir à son objectif. Initié à la pratique du sport, il s’y exerce tous les matins, en enchaînant, sous le regard pétrifié des passants, des mouvements physiques hors du commun pour des personnes de sa tranche d’âge. Et du coup, rares sont les personnes qui contestent son caractère peu avenant ». Dans un sens comme dans tout autre, l’image que l’on colle à Steve Akam suffit à démontrer qu’il est une menace. « Tout semble en effet concourir à produire artificiellement l’apparence d’un individu prêt à mettre la stabilité du Cameroun en péril », relève Me Hyppolite Meli Tiakouang. 

De façon ramassée…

On est là face à un personnage qui n’inspire aucun embarras. Au sens où il échappe complètement à la possibilité d’être comparé à d’autres comme Guérandi ou Tonye Bamal, « il y a de fortes chances que la vie de Steve Akam soit une chouette histoire à raconter », assure, sous cape, l’un de ses amis. Il va plus loin : « Au sein de la colonie camerounaise à Libreville, son nom est invoqué jusqu’à la satiété, parce qu’associé aux termes de « porte-parole ». Si cette description permet d’orienter les questionnements, elle résout un autre défi : celui de Steve Akam « bon garçon ». A Libreville, l’on parle d’un animateur des assemblées nocturnes, des veillées enthousiastes, où se libèrent les chants, la danse, la musique, la parole libre et les convivialités. Pour parler encore de ce dernier, notre interlocuteur fait part notamment de la fantaisie loufoque de ses paroles, son un tempo entraînant, sa capacité à interprétation allègrement les discours des chefs d’Etat d’Afrique centrale. 

Ongoung Zong Bella

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

WP Radio
WP Radio
OFFLINE LIVE
Retour en haut