Selon nos informations, le report et la délocalisation du conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) se réfèrent à un rapport de forces entre deux entités traditionnelles de Douala.
«La question du pétrole au Cameroun est une affaire très compliquée». À travers cette boutade lancée au cours de l’émission «Tout surtout» (animée par Charles Ndongo et diffusée sur la CRTV-Télé au milieu des années 90), Jean Assoumou (Administrateur directeur général de la SNH de 1984 à 1992, année de son décès) n’en finit pas d’inspirer ceux qui commentent aujourd’hui le climat actuel au sein de l’entreprise publique chargée de gérer les intérêts de l’État dans les secteurs pétrolier et gazier. Depuis quelque temps, l’agitation nerveuse peut se mesurer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la boîte SNH.
Une énième preuve?
La reprogrammation de la session extraordinaire du conseil d’administration de la SNH. Initialement prévue le mercredi 17 juillet 2024 au siège de l’entreprise sis au quartier Dragages à Yaoundé, la tenue du conclave est désormais assujettie au tour de force d’Etoudi. Dans une correspondance adressée à l’administrateur Jules Mana Nschwangele, Ferdinand Ngoh Ngoh (président du conseil d’administration de la SNH et non moins secrétaire général de la présidence de la République, SG/PR) énonce des lignes directrices très claires: «Monsieur l’administrateur, j’ai l’honneur de faire connaître que la session extraordinaire du conseil d’administration de la SNH, initialement prévue le mercredi 17 juillet 2024, est reprogrammée le mercredi 24 juillet 2024 à 14h, dans la salle 8324 du Secrétariat général de la présidence de la République, suivant le même ordre du jour». Un changement de lieu qui met un bémol au refus (par le top management de cette entreprise) d’ouvrir les portes de la SNH aux administrateurs convoqués pour un conseil d’administration extraordinaire.
Akwa versus Deïdo
Tel un gentleman «cambrioleur» d’une situation rocambolesque, Ferdinand Ngoh Ngoh prend en main toutes les commandes et incarnera, à lui seul ou presque, toutes les décisions qui seront prises ce 24 juillet 2024. Mais au préalable, il se donne pour tâche d’absorber tout ce qui a été dit sur les causes, anecdotiques ou profondes, de ce grand chamboulement. À la SNH (où l’on se plaint des nombreuses demandes d’informations), des sources concordantes renseignent que, depuis des mois, des divergences sont allées grandissantes entre Adolphe Moudiki et quelques membres du conseil d’administration de la SNH. Selon nos informations, tout se rapporte à un rapport de forces entre deux entités traditionnelles de Douala. Il s’agit, apprend-on, du canton Akwa (Bonamouti, au Nord-Est de Douala) dont est issu Adolphe Moudiki et du canton Deïdo dont Joseph Dipepa (haut commis de l’État en service à la présidence de la République) est le fils. Passible d’«impeachment» lors du conseil d’administration avorté du 17 juillet 2024, le premier (qui aura passé une trentaine d’années à la tête de la SNH) devrait céder son fauteuil au second.
Revigoré par l’échec de la procédure, rapportent des sources proches du dossier, Adolphe Moudiki se retourne vers son épouse Nathalie née Engamba. Elle est la directrice des affaires juridiques de la SNH. Du haut de ce poste, elle obtient et fait exécuter l’ordre de son époux de fermer les entrées de l’entreprise publique à quelques membres du conseil d’administration. Dans la villa des Moudiki, sise au quartier Hippodrome à Yaoundé, quelques yeux gourmands ont vu défiler plusieurs autorités traditionnelles et politiques Sawa depuis la folle journée du 17 juillet 2024. Nul besoin d’être expert en lobbying pour saisir, à travers ce ballet, le niveau de tractations qui se joue en prélude au 24 juillet 2024. Relativement à l’agenda de cette journée, ce qui se dit ici et là montre bien que la destitution d’Adolphe Moudiki n’est pas encore renvoyée dans les limbes de l’impossible. En rappel, un conseil d’administration de la SNH s’est tenu au siège de l’institution en juin dernier. Le communiqué final de ce conseil n’a jamais été rendu public. Est-ce que le redéploiement du personnel observé voici quelques jours à la SNH participe des résolutions de ce conseil.
Jean-René Meva’a Amougou