D’après des témoignages recueillis dans la capitale camerounaise, le souci d’inscrire un enfant étranger dans une école primaire publique proche de son domicile s’écartèle en de nombreuses facettes disposées bord à bord.

«C’est vraiment après diverses pressions que je recrute cet enfant». Au centre de ce regret du chef d’un établissement primaire public sis dans l’arrondissement de Yaoundé 4e, campe une situation: celle de l’école qui non seulement n’accepte pas facilement un enfant venu d’un pays étranger, mais qui a tendance à le repousser. «L’école repoussoir en quelque sorte», assume Théodore Messi. Au milieu du flux traversant la conversation avec ce défenseur camerounais des droits des enfants, surgit le récit d’une autre situation. L’ordre de cette dernière révèle l’inspiration qui préside aux raisons de nombreux chefs d’établissements primaires publics ou privés au Cameroun. «Ils ont des raisons pour se dédouaner. Ils évoquent, par exemple, le fait que ces enfants venus de quelque pays voisin n’ont pas d’acte de naissance. Souvent, ils évoquent aussi le stress lié au fait pour ces enfants, de se trouver dans un nouvel environnement et le fait de devoir apprendre et chanter l’hymne national d’un pays étranger», trahit Théodore Messi.
Evitements
Dans un autre établissement scolaire primaire public situé dans le deuxième arrondissement de Yaoundé, une directrice accepte, à contrecœur, ce qui se dit aux tribunes internationales, à propos du droit à l’éducation des enfants. A écouter notre interlocutrice, sa bouche véhicule le message des Nations unies sur le sujet, tout en prenant soin de l’évider de ce qu’elle contient de superbe, d’anguleux, de frappant. «Ce qui est pensé là-bas est légitime. Mais, ce ne saurait vraiment être appliqué ici dans les conditions qui sont les nôtres», dit l’institutrice. Cet aspect-là, net, auto-prédictif, est invinciblement répété par son collaborateur. Et selon ce dernier, «le processus de recrutement des enfants étrangers est très complexe». Et d’ajouter: «Lorsqu’un tel cas est porté à ma connaissance, j’en éprouve un effroi immédiat». Dans ce vacillement, la réponse qu’il se refuse à fournir pourrait trahir autre chose: la corruption.
Paperasse
«Je ne sais pas si mon fils ira à l’école cette année. On me demande beaucoup de papiers et beaucoup d’argent», se désole un parent venu d’un pays d’Afrique centrale. Il expose ensuite un dirigeant d’école primaire pétri de faux doutes et de conceptions peureuses. «Il m’a dit que ma carte de séjour est illisible et qu’il n’aimerait pas s’attirer des ennuis». A l’arrivée, le souci d’inscrire son enfant dans une école primaire publique proche de son domicile s’écartèle en de nombreuses facettes disposées bord à bord. «Avoir d’abord la confirmation du HCR, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. Et un voile se gonfle avec l’exigence d’un certificat de vaccination à jour, une recommandation de l’ambassade et une enveloppe», glisse Théodore Messi. En nous déguisant en parent d’élève venu d’un pays voisin, il est loisible de constater que les collaborateurs d’un directeur d’école se parlent. Et s’il est nécessaire d’ouïr un seul mot, c’est prêter une attention au mot «geste». «Il faut faire un geste, parce que c’est un cas compliqué», nous brandit-on. Et, du coup, la haute idée qu’on se fait du droit à l’éducation pour tous les enfants s’entrave, laissant planer quelques réflexions sur les vices de l’argent lors des inscriptions dans quelques établissements scolaires publics du Cameroun.
Jean-René Meva’a Amougou
