Préparatifs de la rentrée scolaire : le métier de parent d’élèves à rude épreuve

Chacun dit pourquoi son cœur se soulève et proteste si fort avant le 9 septembre 2024, jour de la reprise des classes au Cameroun.

Rentrée scolaire 2024/2025, équation difficile

«C’est l’heure des longues journées». Face à une dame qui raconte sa façon de préparer la rentrée scolaire, la phrase révèle une chose: voici venu le moment où l’expérience parentale est, en tous sens, parcourue par l’anxiété. «C’est l’instant pendant lequel je chronique beaucoup», renseigne Paul François Abega. Le propos de ce fonctionnaire tient largement au souci de satisfaire tous ses huit enfants avant le 9 septembre prochain. «Je ne sais pas par où commencer eu égard aux temps qui courent. Si Dieu ne rôde pas à nos côtés, on est mort cette année», dit-il. Les termes du problème sont très clairs lorsqu’ils évoquent les revenus disponibles. «Un salaire de catégorie B de la fonction publique est bien dérisoire et ne cesse de relancer la conviction que préparer la rentrée scolaire au Cameroun relève d’une expérience bien difficile», laisse entendre Paul François Abega. L’affaire devient insaisissable quant au sujet de la rentrée scolaire, s’accompagne, de manière tout à fait paradoxale, celui de la culpabilisation généralisée. «Nous sommes tous responsables de tout: nous avons à assumer nos responsabilités en tant que parents alors que nos modalités d’action nous semblent quasi inopérantes, voire inexistantes. Ce qui accroît encore, en la débordant, la sphère des difficultés liées au devenir de nos enfants», grommelle le fonctionnaire.

Inflation
S’il en est ainsi, à travers le pays, les préparatifs de la rentrée scolaire renvoient à un quotidien parental structurellement habité par de nombreuses incertitudes. En effet, devenue simultanément «lieu commun» et «lieu du commun», l’échéance de la reprise des classes au Cameroun se trouve nécessairement liée à la dilation subite et massive des responsabilités. «En plus de les nourrir, je dois acheter de nouveaux uniformes, de nouveaux livres et cahiers et même de nouveaux cartables à tous mes enfants…Et rien n’est abordable en termes de prix», confie dame Eugénie Malongo. Ce dont témoigne cet agent de l’État basé à Yaoundé, c’est l’inflation. «Partout, les prix ont augmenté. C’est clair que cette année, ça sera tout un défi pour moi d’être capable d’acheter toutes les fournitures pour mes quatre enfants», pense-t-elle. Il va de soi que le propos s’enracine dans le constat que, sur le marché, aucun bouclier tarifaire n’est appliqué. Selon Emmanuel Nzeukou, taximan à Yaoundé, la progression des indices de prix des fournitures scolaires dépasse largement celle observée ces dernières années. «J’ai constaté que les grandes surfaces qui affichaient des prix soldés, ont toutes augmenté les prix des sacs. Les augmentations varient entre 1 000 FCFA et 5 000 FCFA», raconte-t-il.

Chamboulements
Et dans un contexte actuellement marqué par des blocages au niveau des chaînes de distribution de certaines fournitures scolaires (les livres notamment), le coup de froid est perceptible chez de nombreux parents. «On échangeait les livres dans la rue, mais avec le chamboulement des programmes, cela n’est pas possible cette année. Les familles qui vivent dans la pauvreté éprouvent de la difficulté à payer leur loyer et à nourrir leurs enfants. Comment vont-elles se concentrer sur certains livres qui se font d’ailleurs rares?» s’interroge Theresa Engamba, restauratrice au lieu-dit Awae-Escalier (Yaoundé 4ᵉ).
À en croire d’autres parents, l’achat des cahiers rime désormais avec une facture majorée de 50 FCFA, parfois d’un peu plus. «Même si l’augmentation semble insignifiante, il est évident que le parent qui achète 100 cahiers pour ses quatre ou cinq enfants se retrouve à payer 5 000 FCFA de plus. Ce qui est tout de même important», se plaint Eugénie Malongo.

Et la situation n’est pas synonyme de bonne nouvelle pour Cyrille Martial Etoundi qui s’apprête à inscrire ses deux jumeaux à la petite section dans une école maternelle publique de Mfou. «Là-bas, en plus des crayons, des gouaches, des rames de papiers, des articles de sport et des cahiers spéciaux, on me demande 50 000 FCFA par enfant», souligne-t-il. Plus loin, le jeune paysan nous apprend ce qui précède n’est qu’un aperçu de la géographie des charges qui l’attendent. «Avant le 9 septembre 2024, il faut bien que ces jumeaux soient circoncis. C’est une exigence de l’école. Et s’il faut débourser 5 000 FCFA à l’hôpital pour chacun des enfants, je devrais également m’assurer du suivi qui nécessite également l’achat de quelques produits pharmaceutiques.», liste Cyrille Martial Etoundi.

Rires contre pleurs
Dans les allées du marché Mokolo à Yaoundé ce 13 août 2024, quelques parents sont inquiets, mécontents, impuissants et même frustrés face à l’augmentation généralisée des prix. Ici, outre les cahiers et les sacs de classe, les prix des chaussures, manteaux, gourdes ont augmenté. En prévisionnistes professionnels, de nombreux commerçants se saisissent du prétexte de la rentrée scolaire pour faire du chiffre «Avant, je vendais les tennis à 2 000 FCFA ou 3 000 FCFA. Les clients achetaient, mais étaient exigeants sur la qualité. Aujourd’hui, ils ont la pression. Je taxe à 6 000 FCFA, parfois 8 000 FCFA, et ils achètent», raconte Yann, un jeune vendeur ambulant de chaussures. Pour lui, le phénomène n’est pas nouveau. «Chaque année, quand la rentrée scolaire approche, j’augmente les prix. Parce que je sais que les parents ont la pression. C’est comme ça», conclut le jeune vendeur.

À la recherche de solutions, Eugénie Malongo propose de jongler avec tout et d’espérer un compromis avec ses enfants. «Avec eux, on va faire la course aux rabais ou encore, regarder ce qui restait des fournitures de l’année dernière, ce qui peut être encore utilisé», assure-t-elle. Pour ce faire, le mode d’action le plus commode est de définir les priorités. Dans l’ordre, de nombreux parents rencontrés à Yaoundé choisissent d’abord de réduire les quantités au strict nécessaire. «Il y a une semaine, mes cinq enfants et moi avons fait l’inventaire de ce qu’ils possèdent déjà», établit Paul François Abega. «Et jusque-là, cela ne suffit pas pour faire baisser drastiquement la note», se désole-t-il, en signalant qu’ «en ce qui concerne les livres, il faut tout acheter, car tout a changé dans les programmes scolaires!».

Jean-René Meva’a Amougou

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