Ouverture et libération de l’Afrique : le tournant décolonial

«L’Afrique francophone évince la France»; «En Afrique francophone, la France paye le « flou » sur l’utilité de sa présence militaire»; «Présence militaire en Afrique: La France réagit aux décisions du Tchad et du Sénégal»; «Afrique-France: comment Emmanuel Macron et Jean-Marie Bockel ont été pris de vitesse» …

La liste pourrait être longue. En Afrique comme ailleurs, les médias rivalisent d’imagination dans les titres pour vitupérer l’air du temps. Pas un jour sans qu’un article ne sorte sur la déliquescence des relations entre la France et deux de ses puissants alliés (Tchad et Sénégal). Pas un jour, non plus, sans que Paris ne parle de ses atouts (ceux de ses entreprises notamment) et des résultats impressionnants de sa politique étrangère. Bref du «rayonnement» de la France en Afrique. Lorsque les uns disent que les performances de la France sont désastreuses, celle-ci trouve toujours des contre-exemples pour infirmer les prophéties accablantes en déployant des trésors de sophistication statistique. Nous en sommes là. Ce n’est pas nouveau.


Il en est ainsi des espaces de controverses au sein desquels les idées qui orientent la rupture entre l’Afrique et la France sont débattues. Il en est ainsi de leur capacité à créer des «coalitions de causes». Dans la forme tout comme dans le fond, rien n’est véritablement nouveau. Reste que, après avoir repéré les événements clés qui ont créé le ce qui arrive à la France aujourd’hui, on peut espérer que ce qui se déroule actuellement en Afrique peut certes entraîner des bifurcations, mais doit surtout ouvrir des fenêtres d’opportunité, afin de modifier l’équilibre entre les acteurs et leurs coalitions de cause. Conceptuellement, cela peut se faire en créant de nouveaux concepts et des connections «transversales» avec d’autres champs de la pensée et de la pratique. Nous nous intéressons particulièrement à la façon dont ces luttes géopolitiques pour le droit de l’Afrique de se penser sans la France sont un défi lancé aux conceptions modernes de la spatialité et de la visibilité, tout en attirant aussi l’attention sur la relation complexe entre les luttes transformatrices des Africains et les pratiques de gestion des consciences qui cherchent à réguler leur mouvement.

À partir de là, nous devons être attentifs aux effets perturbateurs et reproductifs de certaines pratiques. De plus, cela permet de prendre une autre direction, qui consiste à retracer la relation Afrique-France «en avant et en arrière», à la fois géographiquement et historiquement, en poussant ainsi Paris à se confronter à son passé et à son présent coloniaux. Il faut bien se le dire: le tournant décolonial représente l’ouverture et la libération du point de vue de la pensée et des formes de vie (économies alternatives, théories politiques alternatives), l’épuration de la colonialité de l’être et du savoir; la déconstruction des liens vis-à-vis du sortilège de la rhétorique de la modernité, de son imaginaire impérial articulé à la rhétorique de la démocratie. Et, si elle gère bien cette séquence, l’Afrique portera assez facilement le mouvement de contestation qui l’anime. Elle facilitera le renouvèlement des figures qui l’incarnent et la logique qui l’irrigue.

Jean-René Meva’a Amougou

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