Libre-circulation, Zlecaf, société civile: les dossiers chauds de la Fotrac 2024

La cérémonie protocolaire d’ouverture de la Foire a viré ce 12 juillet 2024 à un plaidoyer dirigé vers les autorités.

La Foire transfrontalière de l’Afrique centrale (Fotrac) tient ses promesses en tant qu’espace d’intégration socio-économique. Fort de cet idéal, Danielle Nlate, présidente du Réseau des femmes actives de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Refac), ne perd pas la moindre occasion pour sensibiliser sur les embûches qui entravent encore le chemin des entrepreneures. Celle-ci est devenue, par la force de son engagement, un symbole de cette ambition africaine; ce qui a conduit à sa désignation comme représentante du Cameroun à la Commission de réflexion pour le protocole Femmes et jeunes dans le commerce transfrontalier. À cette édition 2024 de la Fotrac, elle sensibilise autorités locales, forces de sécurité et de l’ordre et institutions communautaires sur la nécessité de concrétiser la libre-circulation. «Nous partons de Kye-Ossi à Ebolowa avec sept barrières. Nous n’avons pas voulu imposer encore à ces valeureuses femmes et jeunes, qui nous viennent non seulement des pays d’Afrique centrale, mais aussi de l’Ouest et de l’Est, cette torture. Pourtant, nous avons ces actes des chefs d’États de la sous-région qui disent circuler librement. Et nous avons besoin de circuler librement et en toute sécurité. La ville de Kye-Ossi a besoin d’un bon coup de fouet pour son développement. Les villes de Bitam et d’Ebibeyin ont besoin d’ouvrir leurs barrières», déclare-t-elle.
Ce propos inaugural de Danielle Nlate ne donne pas lieu à un déni des chantiers entrepris au niveau communautaire pour assurer la libre-circulation des biens et personnes entre le Cameroun, le Congo, la Centrafrique, le Tchad, la Guinée Équatoriale et le Gabon. Elle se positionne dans l’idéologie du gouverneur de la région du Sud Felix Nguele Nguele qui appelle les femmes du Refac à jouer leur participation dans l’intensification des échanges commerciaux intra-africains, tel que visé par la Zlecaf. «Elle en veut plus. Aussi n’hésite-t-elle pas à apostropher, hors tribune officielle, des responsables de la Cemac et le gouverneur de la région du Sud: «Vous parlez de la brigade mixte qui sera lancée, mais que vaut le chantier de la libre-circulation sans l’implication de la société civile. Nous voulons participer aux réunions techniques. C’est nous qui avons porté cette initiative; Vous faites tout ce travail sans une concertation avec la société civile», décrie-t-elle avec véhémence au cours de la visite des stands.

Ebolowa exalte l’intégration

Ebolowa, capitale de la région du Sud, accueille du beau monde. Des entrepreneurs Camerounais, Centrafricains, Congolais et Tchadiens, Rwandais, Nigeriens, RD Congolais, Sénégalais, Nigérians, y ont élu leurs quartiers dans le cadre de la 15ᵉ édition de la Foire transfrontalière de l’Afrique centrale (Fotrac). Evènement phare du Réseau des femmes actives de la sous-région (Refac), la Fotrac se tient du 17 au 21 juillet 2024, sous le thème « Faciliter les échanges, favoriser les voies de dialogue et de coopération transfrontalière pour le développement socio-économique et culturel en Afrique à l’ère de la Zlecaf». C’est à cette fin que sont ouvertes au public les portes du Stade municipal d’Ebolowa; avec en fond de toile des modes d’expression culturelle des ressortissants d’Afrique. Lesquelles se démontrent ici au travers des créations artisanales d’objets de décoration, de textiles à base de fibres naturelles. Du savoir-faire médicinal et de la valorisation et de la modernisation des savoirs gustatifs africains. Tout y passe dans cette exposition du patrimoine industriel local.
Chacun y met du sien, car au-delà de l’exposition des produits commerciaux, la Fotrac offre un espace de recherche de partenariats et de réseautage pour la centaine d’entrepreneurs présents, en vue la conquête du marché continental. «Je suis ici pour me faire connaitre et chercher un nouveau marché. Je suis là pour connaitre ce que les gens recherchent en matière de plantes guérissantes. Ailleurs, j’ai déjà des partenaires qui achètent mes produits et vont les vendre dans leurs pays. Si je peux en trouver d’autres, ce serait bien» indique Issoufou, originaire du Niger.
Sur le site de la Fotrac, des institutions nationales et communautaires sont également à pied d’œuvre pour des actions de communication à l’endroit de porteurs de projets attirés sur les lieux. «Je déjà obtenu beaucoup de cartes de visites ; mais le plus important, c’est que j’ai maintenant une vue plus élargie de mon secteur d’activité. Nous débutons, avec d’autres femmes de mon collectif, dans la production et la transformation du manioc. Nous voulons approvisionner le marché camerounais et gabonais de produits dérivés du manioc. Et là, nous avons appris beaucoup sur les moyens pouvant nous permettre d’acheminer nos produits par voie terrestre. Nous avons eu toutes les informations nécessaires dans le stand du conseil national des chargeurs du Cameroun», indique tout sourire sur le visage Valentine T.

Stratégie d’import-substitution

La Cemac scrute l’avenir à la Fotrac 2024

L’entrée en vigueur prochaine de la politique régionale d’import-substitution est la principale annonce de l’institution à l’édition 2024 de la Fotrac.

La Foire transfrontalière annuelle de l’Afrique centrale (Fotrac) bat son plein dans la ville d’Ebolowa, chef-lieu de la région du Sud. La Communauté des États de l’Afrique centrale (Cemac) y a pris ses quartiers afin de vulgariser les mesures prises à l’échelle régionale en faveur de l’intégration économique des six États-membres. Dans cette grande manœuvre communicationnelle, le Pr Bienvenu Akono, représentant du secrétaire permanent du Pref-Cemac, annonce l’entrée en vigueur incessamment de la stratégie d’import-substitution des produits du cru. «Je le confirme. Il y a eu une réunion de concertation de la Commission de la Cemac et du secrétariat du Pref-Cemac pour la mise en œuvre du Plan d’opérationnalisation. Ce qui est une instruction du comité de pilotage du Pref-Cemac dont la réunion s’est tenue à Douala les 24 et 25 juin 2024 pour qu’on démarre la mise en œuvre de cette stratégie. Donc, dès ce second semestre, certaines actions permettant d’opérationnaliser cette stratégie vont commencer à être mises en œuvre».
À l’en croire, cette évolution est adossée à un chronogramme étalé sur la période 2024-2026 pour ce qui est de la première phase. «Il y a des actions à poser en 2024, par exemple, uniformiser la réglementation des différents pays à travers la Commission de la Cemac, notamment la Direction du commerce et de la concurrence. Il yaura donc en septembre une réunion des techniciens qui se chargeront d’harmoniser les textes pour fluidifier les échanges commerciaux sur les produits du cru. Deuxièmement, il faudra nécessairement cibler les taxes et les prélèvements qui sont un peu abusifs et qu’il faudrasupprimer ces taxes. La réunion de septembre va donc permettre d’identifier et de supprimer ces différentes taxes et prélèvements illégaux. Une autre action, l’organisation d’un atelier régional de validation du Plan stratégique opérationnel du Prasac 2024-2026; et qui est son premier volet qui s’étale sur dix ans (2025-2034)», énonce le Pr Bienvenu Akono.
La politique d’import-substitution de la Cemac est adoptée le 17 mars 2023 avec pour objectif de relever la production des produits agricoles, halieutiques et d’élevage dans la sous-région. Ce, afin de booster les exportations et les échanges intra-africains tout en limitant les importations au sein de l’espace. Le secteur privé représente un acteur majeur de la matérialisation de cette ambition communautaire évaluée à 651,8 milliards FCFA. Ce qui fait, de l’avis du Pr Bienvenu Akono, de Promote, un cadre idoine pour cette annonce. «Quand vous regardez les différents stands; Ce sont des produits du cru. Mais il faut qu’on les produise à une grande échelle», martèle-t-il.

Louise Nsana

Fotrac 2024

Des médailles pour conquérir le monde

La reconnaissance accordée par l’Association APPA augure des perspectives d’expansion pour ces fabricants de produits agroalimentaires.

La Fotrac 2024 donne à voir les opportunités d’ouverture au marché continental pour les entrepreneurs. Pour cette édition, les horizons s’élargissent et s’étendent vers l’Occident. C’est le sens à donner aux distinctions accordées par l’Association Aide aux paysans et planteurs d’Afrique (APPA) à 45 producteurs agroalimentaires. Parchemins et médailles sont le lot de ces récipiendaires qui comptent parmi la centaine de participants à avoir soumis leurs produits à l’appréciation de 15 jurés d’Afrique centrale. «Nous avons eu la grâce de participer au concours Cipata (Concours international des produits alimentaires transformés en Afrique), et nos produits qui sont ici ont pratiquement tous eu des médailles. Au mois d’octobre, ces produits seront présentés en France au Salon international de l’alimentation (Sial)».
Cette participation des lauréats à ce rendez-vous de l’agroalimentaire de Paris, du 19 au 23 octobre, doit marquer le début d’une aventure commerciale sur le marché européen, sous les bons auspices de l’association à but non lucratif APPA. Une initiative de Francis Gogue, créateur de recettes chez Sarl Francis Bonheur. «La participation au Sarl coute énormément d’argent. Le plus petit stand au Sial c’est 25 millions FCFA pour un entrepreneur africain qui souhaite y participer. Nous proposons de prendre un espace au Sial et de le partager avec tous les lauréats. Ça permet de se fédérer», explique le promoteur du concept. Dans son idée, Francis Gogue envisage de toucher plusieurs pays africains via des concours nationaux afin de mettre en compétition les producteurs entre eux; pour enfin confronter les meilleurs à l’échelle continentale. «J’ai créé cette association il y a 14 ans. On a créé une appellation d’origine protégée en 2002. Imaginez que les produits qui ont été primés hier vont prendre énormément de valeur grâce à cette petite médaille qui va être reconnue du grand public», ajoute Francis Gogue avec des yeux d’ores et déjà rivés sur l’avenir.

Louise Nsana

Ils ont dit

Liliane Toumba, présidente du Consortium des entreprises du Congo (Conec)

«C’est notre première participation, je regrette les autres fois»

Nous sommes trente entrepreneurs dans notre consortium, 40% d’hommes et 60% de femmes, rassemblés autour de la transformation des produits locaux. Quinze membres du Conec sont représentés à cette édition de la Fotrac. Ces produits que vous voyez là ont été analysés et certifiés par l’Office congolais de contrôle (OCC). Lorsque nous fabriquons nos produits, les inspecteurs de l’OCC sont là. Ils nous accompagnent pour voir si on respecte les normes et après, ils nous conseillent sur l’étiquetage, les emballages. Malheureusement pour Conex, c’est la première participation. Je regrette les autres fois parce qu’on aurait dû participer. C’est extraordinaire, nous avons trouvé de très bonnes choses ici. J’ai découvert beaucoup de produits originaires du Tchad et dans les stands des autres pays également. Nos atteintes ont été comblées déjà. Notre objectif en participant à la Fotrac était de croiser du beau monde. C’est fait. Nous avons fait du B to B et nous avons établi plusieurs contacts intéressants. Et là, nous avons eu l’idée de créer, en collaboration avec d’autres entrepreneurs ici, un magasin africain à Kinshasa. Ce serait un supermarché qui ne distribue que des produits africains, c’est pour cela que nous discutons avec les entreprises et les coopératives ici pour voir la faisabilité du projet; pour voir comment on peut s’organiser pour que leurs produits arrivent à Kinshasa, dans le magasin, et que nous puissions les commercialiser. On a une chance, c’est que nous avons aujourd’hui un bus qui rallie Brazzaville et Douala. Nous pouvons profiter de ce bus pour l’échange de produits.

Awa Seck, membre du Réseau des femmes actives du Sénégal (Refac)

«Nous allons travailler pour aiguiser les consciences sur la libre-circulation»

C’est notre seconde participation à la Fotrac. Nous avons commencé à participer à Kyé-Ossi l’année dernière. Nous présentons ici la mode sénégalaise au travers des vêtements de femmes et des chapeaux. Je souhaite vendre tous mes produits; mais le plus important, c’est que lorsqu’on appartient à un mouvement, on a des objectifs à atteindre. Quand on parle du Réseau des femmes actives, ça veut dire que nous menons de bonnes actions, que nous voyageons pour rencontrer nos sœurs du Cameroun, pour échanger avec elles. C’est dans cet esprit que nous sommes encadrées dans des sessions de formation. La formation qu’on a faite hier sur la gestion nous a beaucoup édifiés. Nous avons appris comment monter un projet et comment le gérer. On nous a donné des adresses des partenaires internationaux qui peuvent nous aider avec des subventions en cas de besoin. Cela nous a beaucoup intéressé, d’autant plus que ces partenaires sont ouverts à tous les secteurs d’activités. Ce qui est appréciable, parce qu’ici, il y a des femmes qui font dans l’artisanat, l’agroalimentaire, l’élevage… Nos échanges d’hier ont couvert tout cela, on a abordé les questions d’entrepreneuriat féminin. Comment faire pour prospérer, comment gérer son business et trouver des partenaires. On gagne toujours un plus quand on participe à la foire. On parle beaucoup du libre-échange continental dans nos rencontres, mais ça doit d’abord passer par la libre-circulation en Afrique. Ce qui n’est pas aussi évident. Quoiqu’on dise qu’on peut circuler avec le passeport Cemac, lorsqu’on se déplace par route, on voit bien que c’est faux. Nous allons beaucoup travailler pour aiguiser les consciences là-dessus.

Marina Esther Kazimo, membre de la Fédération des associations des femmes entrepreneures centrafricaines (FAFECA)

«Nous découvrons qu’on peut exploiter du charbon pour faire du savon»

Nous sommes venues au nombre de trois personnes pour représenter notre association à la Fotrac 2024. En termes de savoir-faire, nous exposons des produits à base de sésame, à savoir de l’huile de sésame, du caramel et de la pâte à tartiner de sésame. On a apporté du miel et bien d’autres produits transformés par les femmes centrafricaines. C’est notre première participation à la Fotrac et nous espérons créer un réseau avec les femmes venues d’autres pays et aussi gagner des partenaires et des formations. Nous voulons gagner un plus parce que la fois dernière, on a eu la possibilité de participer à la formation avec la FAO. Ils nous ont formés sur comment gérer les finances et comment établir un budget pour un projet. Ça nous a ouvert les yeux et ça va nous permettre de gérer les finances de nos entreprises parce que nous avons divers profils dans notre fédération. Vous ne trouverez pas que des femmes instruites dans notre association. On donne aussi l’occasion à celles qui ne le sont pas d’adhérer. Et donc, nous retransmettons les savoirs acquis en utilisant par exemple notre langue. Ça permet que nous soyons toutes au même niveau. C’est cela le bien fondé de notre participation à cette foire. Nous avons eu l’occasion d’apprendre son existence lorsque nous étions à Yaoundé au Forum économique de l’Afrique centrale. Nous avons pris attache avec madame Nlate et nous voici ici. Nos attentes trouvent déjà des réponses. Par exemple, chez nous, on exploite le bois pour faire du charbon. On a découvert ici qu’on peut aussi exploiter ce charbon pour fabriquer du savon. On a reçu beaucoup de connaissances et nous tirons beaucoup de leçons.

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