Leadership : la Banque africaine de l’Energie portée par l’APPO

«L’Afrique ne peut pas permettre que plus de 120 milliards de barils de réserves prouvées de pétrole et plus de 650 trillions de SCUF de gaz soient gaspillés, car ceux dont nous dépendons pour la technologie d’exploitation de ces ressources ont décidé de les abandonner. Pour que nous puissions continuer à bénéficier de ces ressources offertes par Dieu, nous n’avons d’autre choix que de maîtriser rapidement la technologie de l’industrie». Pour le Dr Omar Farouk Ibrahim, secrétaire général de l’Appo (Organisation des producteurs de pétrole africains), c’est clair: le continent africain dispose de beaucoup de pétrole et de gaz. Et s’il veut en tirer tout le bénéfice, il est urgent de changer de paradigme. Le fait que des pays assez divers par leur histoire et leur géographie se réunissent afin de coordonner leurs visions permet ainsi à un large éventail de personnes de mieux comprendre ces problématiques cruciales pour notre époque. Du 28 octobre au 1er novembre 2024 à Yaoundé, le club de pays africains producteurs du pétrole (18 pays qui représentent 99% de la production de pétrole du continent) a réfléchi sur les défis du secteur aval de l’industrie pétrolière sur le continent. L’on a abordé le défi du financement, que ce soit pour construire de nouvelles raffineries ou pour rénover et réhabiliter les infrastructures existantes. Concrètement, il s’agit de se pencher vers les innovations, les études et la valorisation du savoir, la formation professionnelle, la recherche technologique, la coopération et l’intégration énergétiques. On parle là du développement d’une expertise locale dans le secteur, de la maîtrise des technologies liées à la prospection et à l’exploitation des hydrocarbures et du développement de marchés de l’énergie sur le continent africain. Ce programme de réforme doit cependant faire face à deux catégories de contraintes: structurelle, en raison de la rigidité d’un système économique basé sur la redistribution de la rente pétrolière, et conjoncturelle, en raison de la stagnation des prix du pétrole à un niveau insuffisant pour dégager des marges de manœuvre budgétaires.

Au cours de la 46e session ordinaire du conseil des ministres de l’Appo, il a été reconnu qu’elles peuvent jouer un rôle important dans le devenir des Etats producteurs de pétrole en Afrique.

Photo de famille des représentants des pays de l’Appo à Yaoundé

«Rien qu’aujourd’hui, nous utilisons 100 millions de barils de pétrole par jour. Il n’y a aucun parti, aucun programme politique pour changer cela. Il n’y a pas de législation pour maintenir ce pétrole dans le sol. Nous ne pouvons donc pas sauver le monde en respectant les règles. Car les règles ont besoin d’être changées. Tout doit changer et cela doit démarrer aujourd’hui». Emise par Mme Ndolenodji Alixe Naïmbaye, ministre tchadienne des Hydrocarbures et de l’Énergie, cette proposition, a fait l’objet d’une explication plus précise au cours de la 46e session du Conseil des ministres de l’Appo. «Cela veut dire qu’un changement du mode de gestion du pétrole et du gaz africains devrait être corrélé à une transformation de vision sur le long terme. Rien de plus», indique Omar Farouk Ibrahim. Dans l’esprit du secrétaire général de l’Appo, il ne s’agit pas d’établir les grandes lignes d’une politique qui permettrait au secteur pétrolier africain de s’adapter à une nouvelle conjoncture internationale, mais véritablement de le transformer en un modèle plus ouvert et plus concurrentiel. L’élément central de ce programme est «la coopération pétrolière».

Jusqu’ici, constatent les experts venus à Yaoundé, ladite coopération est restée informelle. «Et pourtant, elle doit être centrée sur l’approvisionnement des pays non ou peu producteurs, et sur le partage d’expérience en matière de gestion de l’industrie pétrolière», soutient Aimé Sakombi Molendo, ministre congolais des Hydrocarbures. Selon lui, l’inscription du pétrole africain, plus particulièrement celui du Golfe de Guinée, dans les stratégies de puissance et de sécurité des grandes puissances constitue un frein important au développement de la coopération pétrolière entre les pays africains. «Le pétrole qui y provient est à majorité exporté vers les principaux partenaires économiques de cette région que sont l’Europe (22%), la Chine (18%) et les Etats-Unis (12%). Cela a pour principale conséquence le développement d’une économie de rente incapable de soutenir les missions de développement et d’indépendance énergétique dévolues à l’exploitation du pétrole. Elle ne permet pas un renforcement de la coopération pétrolière entre les pays de la région qui, pour la plupart, privilégient leur statut dans le projet géopolitique des grands consommateurs au détriment de toute véritable coopération sud-sud», dénonce Aimé Sakombi Molendo.
«En effet, ajoute Marcel Abeke, le ministre gabonais du Pétrole, le caractère stratégique du pétrole pousse les pays pétroliers à préférer vendre leur production à des pays qui, en plus de leur garantir des bénéfices relativement importants, peuvent leur servir d’allié de revers en cas de crise. Il n’est donc plus étonnant que les plus grands clients du pétrole africain se recrutent parmi les pays les plus puissants au monde».

Marcel Abeke va plus loin. Il estime que «la rivalité entre candidats au leadership en Afrique centrale limite les projets de coopération. Certains pays voient l’entrée d’autres dans le cercle des pays producteurs de pétrole comme une contestation du leadership pétrolier dans la sous-région».

Jean-René Meva’a Amougou

Ils ont dit…

Mbella Mbella, ministre camerounais des Relations extérieures, représentait l’administrateur-directeur général de la SNH Adolphe Moudiki, plénipotentiaire du Cameroun au Conseil des ministres de l’Appo

«Il nous faut de la technologie»

Ce n’est pas le moment pour l’Afrique d’abandonner les énergies fossiles. Nous avons besoin de plus de gaz et de plus de pétrole. L’Afrique conduira sa transition énergétique à son rythme et de la manière qu’elle choisira. Car, si l’occident a besoin de décarbonner, l’Afrique doit s’industrialiser. Nous devons tout de même garantir l’accès à l’énergie à plus d’un milliard d’habitants qui en sont privés jusqu’ici. Il nous faut de la technologie. Il nous faut des financements pour l’industrie pétrolière et gazière. Il nous faut créer un marché africain de consommation de notre production pétrolière et gazière. Il nous faut des industries.

Ndolenodji Alixe Naïmbaye, ministre tchadienne du Pétrole, des Mines et de la Géologie

«La coopération interétatique peut surmonter les défis logistiques et géopolitiques»

Nous au Tchad, nous mettons en œuvre la coopération pétrolière. Vous êtes certainement au courant du partenariat entre le Niger et le Tchad. Ce partenariat pourrait non seulement faciliter l’accès du Niger aux marchés mondiaux mais aussi renforcer l’intégration économique régionale. En exploitant leurs ressources et infrastructures, les deux pays pourraient ouvrir de nouvelles perspectives de développement, bénéfiques pour l’ensemble de la région. En somme, ce projet de collaboration pétrolière est un exemple concret de la manière dont la coopération interétatique peut surmonter les défis logistiques et géopolitiques, tout en favorisant la croissance et la prospérité partagées».

Stev Simplice Onanga, président du Conseil exécutif de l’APPO et représentant du Congo au sein de l’instance

«Nous avons besoins d’un changement de paradigme»

Notre travail entant que Conseil Exécutif de l’APPO, est de conseiller nos Ministres, sur les éléments politiques du pays, ainsi que sur la géopolitique mondiale, qui ont un impact important sur notre industrie pétrolière en Afrique. Comme nous le savons tous, la transition énergétique a causé d’énormes problèmes à nos économies et à nos pays africains. Pour relever ces nouveaux défis, nous devons sortir des sentiers battus. Nous avons besoins d’un changement de paradigme dans notre recherche de solutions adaptées. Nous devons donc, pour le bien de nos pays et de notre continent, apporter des conseils avisés au Conseil des Ministres de l’APPO, afin d’adopter des bonnes politiques et de prendre des bonnes décisions».

Bruno Jean Richard Itoua, ministre congolais des Hydrocarbures

«Le projet de la Banque africaine de l’énergie semble avancer dans le bon sens»

Les experts ont envisagé la création des centres de recherche liés au secteur pétrolier et gazier, la construction des oléoducs dans le but de favoriser l’approvisionnement en produits pétroliers, ainsi que d’autres installations indispensables à la production des matières premières. Concernant l’accès aux financements, un partenariat a été conclu avec la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) en vue de la création d’une Banque africaine de l’énergie. Le projet semble avancer dans le bon sens. La création de la banque AEB est le projet le plus important que nous allons superviser dans les mois à venir(…) Pour la première fois, les pays africains ont décidé de trouver les solutions par eux-mêmes face aux défis énergétiques».

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