Mésententes, accusations et contre-accusation rythment le quotidien au sein de l’instance exécutif de la Communauté.
Cela fait déjà un peu plus d’un an que le nouveau gouvernement de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) est en poste. L’on se souvient tous des principes annoncés au départ comme piliers de l’action de l’exécutif porté par Baltasar Engonga Edjo’o: la solidarité, la collégialité, la transparence, l’égalité et la justice. Mais en fait, que sait-on vraiment de l’atmosphère de travail au sein de cette institution communautaire à ce jour? Le président de la Commission a fait l’étalage de ce qui s’y passe à l’occasion d’une réunion de travail à laquelle était convié tout le personnel de l’instance le 24 août dernier. «Il me plait de rappeler que nous sommes dans une institution communautaire où les principes de gestion des ressources humaines, financières ainsi que des compétences des dirigeants sont bien définis. L’application de ces principes ne nous permet donc pas d’avoir des considérations nationales, régionales ou ethniques pour favoriser certains», entend-on Baltasar Engonga Edjo’o clamer dans un enregistrement audio parvenu à Intégration. Celui-ci ne s’arrête pas là. La suite de son propos est une description des écarts de conduite qui ont lieu à la Commission de la Cemac. Elle répartit en deux groupes le personnel. D’un côté ceux qui adhèrent à la dynamique impulsée depuis le 6 juin 2023 et qui jouissent d’ «améliorations de leurs statuts». De l’autre côté ceux qui ne partagent pas les mêmes idéaux. «Ils manifestent une résistance dans l’application des principes adoptées; et même dans l’exécution des mandats donnés par le Conseil des ministres pour assainir l’institution après les résultats de l’audit administratif, financier et des ressources humaines réalisé en 2023», dénonce l’Equato-guinéen.
Un exécutif divisé
Au-delà du personnel simple, le torchon semble bruler entre le président Baltasar Engonga Edjo’o et ses plus proches collaborateurs. Dans l’enregistrement d’une trentaine de minutes, il évoque le manque de loyauté et la confusion de rôles. «J’ai par ailleurs constaté qu’il existe des messages parallèles et des instructions opposées aux principes adoptés et conduisant ainsi à la violation des textes en vigueur et à la nouvelle vision de l’institution prévue dans le plan de transformation. J’observe en effet depuis un moment, des attitudes peu orthodoxes, voire mesquines, des créations de groupes au sein de l’institution avec pour seul objectif de défendre des positions personnelles ou de favoriser les instructions parallèles aux principes de gestion adoptés», indique-t-il.
Prise de bec sur le retour à Bangui
Le retour de la Commission de la Cemac à son siège statutaire à Bangui est sans aucun doute le plus grand point de discordance le point de discordance dans l’équipe de Baltasar Engonga Edo’o. En témoigne la verve de ce dernier alors qu’on l’entend tancer ses collaborateurs. «Il faut faire attention à vos déclarations». Et de poursuivre: «Il n’est pas responsable de lancer des messages aux fins de montrer à la communauté en général que le gouvernement dirigé par le président de la Commission résiste ou s’oppose à appliquer la décision sans analyser la disponibilité de la ressource financière pour cette opération donnée et sans évoquer non plus le coût qu’entraine la mobilisation du personnel et de ses biens. La délocalisation et le retour de la commission de la Cemac ne sont pas des exercices aussi simples que certains voudraient le faire croire».
Le retour de la Commission à Bangui est une décision de la Conférence des chefs d’Etats. La dernière actualité à ce sujet est relative au départ progressif des délégations. Et les dernières actualités en date sur ce sujet concernent le déplacement des commissaires et leurs familles à la fin du mois d’août. Les activités y relatives sont officiellement placées sous la houlette de Baltasar Engonga Edjo’o. Mais en petit comité, le discours que tient l’Equato-guinéen est à l’opposé de son enthousiasme lors de différentes sorties médiatiques. «Pour se déplacer de Malabo à Bangui, même si on négocie avec une compagnie aérienne et qu’on parvient à arrêter un montant; avec les caisses vides on va faire comment? Arrivés à Bangui, la disponibilité des logements n’est pas encore effective. Dès que vous descendez de l’avion, vous vous arrêtez où? S’il faut respecter les textes, ceux-ci prévoient que dès qu’un fonctionnaire a été affecté ailleurs, il peut respecter un mois à l’hôtel avant de trouver un l’hôtel. Cela s’applique à un fonctionnaire ou deux mais nous sommes plus de cent; la facture-là qui va la payer et avec quoi», s’inquiète-t-il devant le vice-président de la commission, les commissaires, les représentants des personnels, les conseillers.
Tout un symbole. Que celui du président de la Commission de la Cemac se défendant devant ses détracteurs sur la question du retour de l’institution à son siège en Centrafrique. Ce, d’autant plus que la posture adoptée à ce moment est celle qui consiste à prouver sa bonne foi. «Le président de la Commission a rappelé au président du Conseil des ministres (de l’Union économique de l’Afrique centrale, UEAC) avoir déjà annoncé solennellement s’être installé à Bangui depuis juin 2024, en raison de sa qualité de chef de l’institution, pour suivre la réalisation des infrastructures de logements pour le personnel. La nécessaire mobilité due aux exigences de cette fonction a-t-il ajouté, ne saurait être perçue comme une non-installation au siège statutaire», l’entend-on dire. A force d’arguments, Balthasar Engonga Edjo’o passe en revue l’historique de l’opération en cours, avec en fond de toile, les raisons judicieuses du choix de Malabo pour abriter le siège provisoire. «Après ce retour de la Commission à Malabo, les autorités Equato-guinéenne à travers un engagement politique fort avaient pris des mesures pour mettre à la disposition des institutions des bureaux et des logements pour tous les personnels. Le ministre de l’Intégration de l’époque s’était engagé personnellement pour bloquer certains blocs des logements et négocier les prix à la baisse, pour éviter les spéculations», souligne-t-il. Baltasar Engonga Edjo’o sous-tend le départ définitif de la capitale de la Guinée Equatoriale à une cérémonie protocolaire d’au-revoir aux autorités de ce pays.
Solution
Une nouvelle politique managériale est envisagée au sein de l’exécutif communautaire en vue de résorber la crise sous-jacente parmi le personnel. La formule trouvée se résume en de régulières mobilités du personnel. «Je souhaiterais instaurer un système de rotation des cadres dans les différents services et directions de la Communauté. Donc les cadres que nous avons aujourd’hui et les nouveaux ne vont pas rester éternellement dans un service, afin que le personnel soit polyvalent et puisse servir, en cas d’absence de certains responsables dans un service donné pour des raisons de mission, de vacances», annonce-t-il. Pour l’heure le président de la Commission prône un changement de paradigmes.
Louise Nsana