Jean, une vie dans la poubelle

Des tas d’immondices, l’homme tire son gagne-pain.

Meyo, Abomey, Minkan, Borne 12, Ahala et Barrière (quartiers situés au sud de Yaoundé) produisent plusieurs tonnes de déchets par jour, essentiellement des ordures ménagères. Si ces amas d’immondices, paradis des rats, font jaser les passants, ils montrent aussi à quel point certains personnages invisibles sont indispensables dans cette partie de la capitale camerounaise. Jean en tête. Eh oui, difficile d’imaginer ces quartiers huppés sans ce nettoyeur des rues. «Quand votre nom est attribué à un travail public bien fait, c’est souvent que vous avez accompli de grandes choses», sourit Jean. Au cours de notre rencontre à Meyo (sur l’autoroute Yaoundé-Nsimalen) ce 31 juillet 2024, le père de famille garde une bonhomie et un amour de la vie. «Jamais, je n’utilise un ton sermonneur ou culpabilisateur quant aux comportements inciviques que je rencontre tous les jours. Mais chaque mégot ou chaque papier jeté à la poubelle est pour moi une victoire», dit-il.

À notre micro, il clame son profil d’agent de propreté qu’il traine avec ses enfants. «Pendant les vacances, je dois les utiliser au maximum. Mon but est aussi pédagogique. Ils doivent comprendre que la vie n’est pas facile. C’est avec cet argent qu’on va payer la scolarité», relève-t-il à bord de sa voiturette suivie par 4 bacs à ordures de 100 litres chacun.

Côté abonnement, Jean passe deux fois par semaine auprès des ménages. Ce qui lui permet de ratisser large. Selon les données recueillies auprès de l’éboueur, pas moins de 200 ménages sont abonnés auprès de sa petite unité de ramassage chaque semaine. Ils déboursent 5000 FCFA par mois pour s’acquitter de ce service. Une autre possibilité existe pour les plus petits ménages que sont les habitants des studios et des chambres. Ils déboursent 200 FCFA au passage du tricycle. «Ce qui permet de faire la maintenance et l’achat du carburant pour la moto», explique-t-il.
Grâce à ce boulot, le quinquagénaire achève les travaux de construction de sa demeure à Nnanga City à Meyo. Ses grands enfants font des études dans les instituts universitaires de prestige. L’une de ses filles suit aussi le chemin de l’auto-emploi comme son géniteur. Grâce à l’argent des ordures, elle est sur le point d’ouvrir un salon de beauté mixte à Mbog-Abang (Yaoundé 4).

Paul et Youri, respectivement magistrat et douanier résidant à Meyo, font une «surprise» à cet éboueur. Ils lui remettent une enveloppe de 150.000 FCFA. Cette dotation est destinée à l’achat des fournitures scolaires des enfants. «La dotation en matériel de travail suivra très bientôt», annonce Youri. «Vous êtes un vrai travailleur. Il vous faut normalement une médaille de bravoure», ajoute Etoungou, un autochtone du coin. Les dames ne tarissent pas d’éloges. Les enfants ne courent plus des risques d’infection ou de contamination des maladies. Pour dame Ngah, ses enfants de 6 et 8 ne parcourent plus près d’un km pour vider la poubelle. «Jean, avec son initiative, m’a sauvé. J’avais toujours peur lorsque Courtney et Dimitri portaient la poubelle», confesse la commerçante.

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