Les populations vivent avec la peur au ventre en cette période de début de la petite saison des pluies.
«J’étais dans ma chambre, et il y a une de mes nièces qui s’est mise à hurler au bon milieu de la nuit». Toussaint Ngakia est un ressortissant tchadien, habitant du quartier Ngoa Ekelle, dans le troisième arrondissement de la ville de Yaoundé. L’étudiant de master II en faculté de science de l’Université de Yaoundé I, se souvient des dégâts subis par sa nièce l’année dernière, dans cet endroit, et à la même période. «Sa chambre a été inondée par l’eau. C’était après une forte pluie. L’eau est tellement montée qu’elle s’est mise à pleurer. Tous ses effets nageaient dans l’eau. Toute sa cité était dans cette situation. Il a fallu une semaine pour pouvoir sécher toutes ces choses».
Nous sommes au lieu-dit «cité des nations», une zone située en contre-bas de l’Ecole de postes de Yaoundé. Ici promiscuité et saleté combinent bien. Dans ce quartier majoritairement estudiantin, les cités sont construites les unes collées aux autres. Le passage du lit du cours d’eau qui traverse ce bas fond, n’est plus visible que par endroit. À cette période du début de la petite saison des pluies, l’inquiétude gagne du terrain». Généralement dans cette zone, pendant la saison sèche les gens sont à l’aise. Mais quand la pluie s’annonce, il y a beaucoup d’inquiétude surtout les inondations» révèle-t-il.
Des inondations, il y en a eu ces dernières années. Dans cet espace marécageux, la situation peut changer à tout moment». Ce qui nous a beaucoup dérangé dernièrement, c’est lorsque le mur de la clôture de l’école de poste avait lâché. Toutes les eaux qui viennent par là-bas se sont déversées partout. Tout était inondé ici. Personne n’était épargné», témoigne Judith, habitante du coin depuis une dizaine d’années.
La mère de trois enfants est toutefois consciente des risques». N’importe comment dans un coin comme celui-ci on doit avoir peur. Personne ne souhaite être inondé. Quand ça arrive, ceux qui peuvent partir partent, ceux qui peuvent revenir reviennent».
Dispositions
Au-delà de tous les dangers, les populations essaient de s’organiser comme elles peuvent. Certaines initiatives sont entreprises pour tenter de limiter les dégâts. Par exemple, deux ou trois parpaings sont surélevés sur chaque véranda en guise de barrière d’eau. «Les gens se réunissent aussi souvent pour nettoyer le lit du d’eau. Par exemple, le chef organise une quête. Après le nettoyage, il faut vraiment que la pluie soit abondante pour qu’il y ait encore une inondation» ajoute maman Judith.
Les raisons
Si pour la forte concentration des étudiants dans ce quartier s’explique par la proximité avec le campus de l’université de Ngoa Ekelle, tout est aussi une question de moyens». Certaines personnes sont là par rapport au coût du loyer. C’est ce qui est de mon cas. Il faut se préparer. Préparer un avenir, et surtout on ne peut pas vivre au-delà de ses moyens» se justifie David un homme d’une trentaine d’années, salarié de la commune de Yaoundé VI.
Pendant ce temps, l’Observatoire national sur les changements climatiques (Onacc), alerte sur des risques d’inondations avec des crues violentes dans plusieurs régions du pays». Les populations des zones à risques doivent s’attendre pour les prochains mois notamment pour juillet et août à une augmentation des pluies parce que nous allons progressivement vers la grande saison des pluies et à faire face aux inondations», fait savoir Dr Marie Laure Keyetat géographe-urbaniste en service à l’Onacc. Et de conclure, «le seul conseil que je peux leur donner, c’est de libérer ces endroits au risque de leur vie».
Joseph Ndzie Effa (stagiaire)