Je suis entièrement d’accord avec les Ivoiriens qui estiment que le débat devrait aujourd’hui porter, non pas sur le droit (Ouattara peut-il, au regard de la Constitution, rempiler ou non? Cette Constitution permet-elle à Laurent Gbagbo de se présenter à la prochaine présidentielle?), mais sur la morale.
Ahmadou Hampâté Bâ, Joseph Ki-Zerbo et Djibril Tamsir Niane nous ont appris que, en Afrique, la parole dite ou donnée est importante et sacrée parce qu’elle est associée à la confiance et à l’honneur.
Pour l’Afrique traditionnelle, qui continue à inspirer l’Afrique d’aujourd’hui, quiconque n’honore pas sa parole non seulement brise la confiance que les gens ont placée en lui mais se déshonore. C’est pourquoi respecter les engagements que l’on a librement pris ou tenir les promesses que l’on a faites est un impératif catégorique.
Pour l’Africain, ce n’est pas “scripta manent” (les écrits restent) mais “verba manent” (les paroles restent). En d’autres termes, l’Africain croit que les paroles ne s’envolent pas (verba non volant).
Il est vrai que Dramane Ouattara est à son troisième mandat alors qu’il avait dit en 2010 avoir besoin de 5 ans (un mandat présidentiel) pour redorer le blason du pays, blason que lui-même avait largement contribué à ternir, mais, si on a de la mémoire et si on est honnête, on reconnaîtra que, dans notre pays, il n’est pas le seul homme politique ayant renié sa parole ou ayant fait le contraire de ce qu’il a dit.
Je voudrais donner juste un exemple pour étayer mon affirmation. Quand il était président de la République, Laurent Gbagbo avait déclaré à la télévision qu’un individu qui a dépassé 75 ans ne devrait pas briguer la présidence parce qu’à cet âge il est diminué physiquement et mentalement.
Ne nous appuyons donc pas sur la Constitution pour “attaquer” Ouattara et Gbagbo. Demandons-leur plutôt s’ils respectent leur parole, si l’éthique en politique signifie quelque chose pour eux.
La politique ne peut pas faire l’économie de l’éthique. Elle se discrédite, court le risque de se faire détester, lorsque certains acteurs politiques la séparent de la morale. Renier sa parole, accepter aujourd’hui ce qu’on a condamné hier uniquement parce qu’on veut revenir au pouvoir ou parce qu’on désire s’y maintenir est fondamentalement immoral. Les militants doivent avoir le courage de voir et de dénoncer les incohérences de leurs leaders. Le faire, c’est rendre service au pays. Jean-Claude Djéréké