À en croire des sources proches de l’organisation du Sommet extraordinaire des chefs d’États de la Cemac du 16 décembre 2024 à Yaoundé, c’est l’un des points chauds à l’ordre du jour.

Depuis au moins une décennie, chacun des Etats de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) se replie sur des plans nationaux dont la coordination et l’ampleur globale sont des enjeux centraux. Plans de sauvetage du système bancaire et financier (rendre la dette soutenable, afin de continuer à rembourser les créanciers des Clubs de Paris et de Londres), plans de relance budgétaire (arrêt de la subvention des carburants, augmentation de la pression fiscale, avec l’élargissement de l’assiette et l’introduction de nouveaux impôts, réduction du train de vie de l’Etat) pour éviter que la récession ne se transforme en dépression. Quel que soit leur ordre de grandeur, ces plans n’ont pas empêché que le contexte économique sous régional ne se dégrade fortement. Selon des spécialistes, la situation macro-économique des 6 pays de la Cemac est au rouge: surendettement prononcé. Un de ces États à savoir le Congo Brazzaville est en quasi cessation de paiement. Les fonctionnaires ne sont plus payés régulièrement et accumulent des arriérés de salaires. La Guinée Équatoriale est également en pleine récession. Les autres États sont aussi très endettés.Si pour certains le pire n’est pas sûr, pour d’autres le défi que doivent relever les pays de la Cemac est immense.
D’où la convocation en urgence d’un sommet extraordinaire des chefs d’États de l’espace communautaire. Les chefs d’Etats du Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, RCA et du Tchad ont rendez-vous à Yaoundé le 16 décembre 2024 pour un sommet extraordinaire convoqué par les présidents Paul Biya et Archange Faustin Touadera. Selon nos informations, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et la France sont également parties prenantes à cette réunion d’urgence. Celle-ci, apprend-on, a pour point central la détérioration des finances publiques au sein de la Cemac. Il s’agira concrètement de trouver des solutions aux difficultés que rencontrent les Etats de la sous-région à s’acquitter du paiement des actifs et intérêts de leurs dettes.
En décembre 2016, une réunion de même nature à Yaoundé avait déjà permis d’éviter de justesse la d’évaluation du CFA d’Afrique Centrale, comme l’exigeaient les bailleurs de fonds dont la voix était alors portée par le Directeur Afrique du FMI et le Ministre des Finances de la France et aussi un plénipotentiaire de la BCE.
En ces temps-là, la prudence l’avait emporté sur l’autre sujet clivant du sommet, l’éventuelle réforme du fonctionnement du franc CFA de la zone Cemac. En novembre 2019, lors de leur dernière réunion en présentiel, les chefs d’État avaient mandaté la Banque des États d’Afrique centrale (la BEAC, l’institut d’émission) et la commission de la Cemac pour conduire une « réflexion approfondie sur les conditions et le cadre d’une nouvelle coopération monétaire avec la France » et proposer des « schémas d’évolution ». À en croire le magazine Jeune Afrique, le rapport confidentiel remis aux chefs d’État envisageait plusieurs options fortes : la clôture du compte d’opérations auprès de la Banque de France, le rapatriement des réserves de change auprès de la BEAC, un possible retrait des représentants du Trésor français et un changement de dénomination de la devise (abandon du franc CFA au profit du MAC, acronyme de monnaie d’Afrique centrale). Une sorte de copier-coller de la réforme monétaire initiée par les pays de l’UEMOA (la zone monétaire d’Afrique de l’Ouest, qui prévoit prochainement le passage du CFA à l’éco). Daniel Ona Ondo (alors président de la Comission de la Cemac), dans une interview à RFI donnée la veille du sommet avait même enfoncé le clou, en suggérant que les pays de la Cemac pourraient se passer de la Banque de France s’ils le décidaient, la garantie française de convertibilité n’ayant pratiquement jamais joué. Les dirigeants d’Afrique centrale ont préféré botter en touche. La question n’avait pas été mentionnée dans le communiqué final.
Ongoung Zong Bella
