Traitée par le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff), la question de l’enregistrement des faits d’état civil ou de l’identité des personnes n’a jamais été autant à l’honneur dans les politiques publiques nationales et internationales qu’au cours des cinq dernières années.
Les polémistes n’ont pas pour habitude de regarder les œuvres qu’ils attaquent. De toute façon, ici, ils seraient déçus. Ou stupéfaits devant les faits qui taisent leurs convictions. Devant nous, ce 23 décembre 2024, des chiffres. Que montrent-ils ? Des actions d’envergure menées entre 2018 et 2024 par le Minproff. Au cœur de la démarche de cette administration publique: la promotion et la protection des droits l’enfant dans le strict respect des sacrosaints principes de non-discrimination et de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’ensemble, faut-il souligner, est consacré par les instruments juridiques internationaux auxquels notre pays a souscrit. Il s’agit entre autres de la Convention relative aux Droits de l’Enfant et la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant.
Bien-fondé
Alors, au Minproff, on est convaincu d’au moins une chose: «L’état civil étant le fondement même de l’identité citoyenne, sa consolidation relève d’un enjeu à la fois civique et politique. Il garantit l’accès aux droits, et permet de renforcer l’action publique à travers la production de données statistiques et démographiques. À l’échelle de l’individu, le défaut d’enregistrement à la naissance équivaut pour l’enfant, puis pour l’adulte, à une inexistence juridique totale. Une exclusion sociale qui touche plus sensiblement les femmes. Dépourvu d’état civil, l’individu est privé de ses droits les plus fondamentaux, comme le droit à l’éducation, le droit à la santé, les droits politiques comme ceux de voter ou de se faire élire, la liberté de circulation, ou encore l’accès à la propriété et la liberté d’entreprendre».
Aussi, l’enregistrement de la naissance d’un enfant est la reconnaissance officielle par l’État de cette naissance. Tout enfant né sur un territoire a le droit d’être enregistré à la naissance, comme cela est reconnu, entre autres instruments, dans la Convention relative aux droits de l’enfant. En plus d’être un droit fondamental en tant que tel, l’enregistrement à la naissance est également essentiel à l’exercice de nombreux autres droits de l’homme, notamment l’accès aux services socioéconomiques de base comme les soins de santé et l’éducation.
Ceci qui précède est d’autant plus vrai que les juristes le confirment à l’unanimité. Selon eux, l’enregistrement des naissances permet également de protéger les enfants contre la discrimination fondée sur l’âge, la maltraitance et l’exploitation. Les registres des naissances et les données qu’on en tire sont des éléments essentiels à la gouvernance et au développement.
En fin de compte, les individus ne sont sujets de droits que par le prisme de l’autorité étatique et c’est le droit de l’État qui leur confère une identité juridique et définit l’étendue de leurs droits et de leurs obligations. A contrario, l’impossibilité, pour un individu, de faire établir son état civil le prive de la capacité à être titulaire de droits et à les exercer. Le lien étroit unissant l’identité juridique d’un individu à son accès aux droits révèle ainsi l’ampleur des enjeux liés à l’état civil, mêlant tout à la fois identification et ordre public, identité et démocratie. C’est dire l’importance de mener une réflexion sur l’état civil, en particulier au Cameroun, et de porter une attention singulière à l’enregistrement des naissances, consubstantiel au droit à la personnalité, puissant préalable à l’accès aux droits et élément vital de l’instauration de tout processus démocratique. «Dispositif nécessaire à la reconnaissance de la personnalité juridique des individus, l’état civil détermine l’exercice de tous les autres droits. Plus précisément, l’enregistrement de la naissance par l’autorité publique, loin de se limiter à la transcription des données relatives à la naissance de l’enfant, constitue véritablement une condition pour l’acquisition de la personnalité juridique. En conférant à l’enfant une identité légale, l’enregistrement marque en effet le début de son existence sociale et politique. Reconnu comme personne juridique, il devient alors sujet de droit et d’obligations. Les actes d’état civil ont une force probante permettant aux individus de justifier de leur identité juridique et d’exercer leurs droits.
En spécifiant le nom, le prénom, le sexe, la date et le lieu de naissance ainsi que la filiation de la personne, l’acte de naissance atteste en effet son identité légale, facilite son identification et, partant, son accès aux droits», appuie Maître Jules Olinga, avocat au barreau du Cameroun. Et ce dernier de poursuivre: «Il permet en outre d’assurer la protection des populations vulnérables, en particulier des mineurs, étant précisé qu’il s’agit du seul document permettant de garantir l’âge exact d’un individu. Sans existence légale, enfants et adultes se trouvent privés de leur accès aux droits, y compris les plus fondamentaux comme le droit de recevoir une nationalité ou le droit d’accéder à l’éducation, à la santé et à la justice. En outre, il leur est impossible d’ouvrir un compte bancaire, de solliciter un emploi reconnu, de recevoir un héritage, de devenir propriétaire, ou encore de participer à la vie politique et d’exercer leur droit de vote. Par ailleurs, les personnes sans identité, en dehors de tout système de protection sociale, sont davantage exposées aux risques d’abus et d’exploitation. L’absence d’enregistrement constitue donc un facteur d’exclusion sociale. Cependant, l’enregistrement d’un individu à l’état civil, et consécutivement l’établissement de son acte de naissance ne sont pas une garantie suffisante de ses droits. Dans nombre de cas, certaines contingences telles que la pauvreté, les traditions ou même la nature du régime politique peuvent en empêcher la jouissance effective».
Prise en mains
Investi d’une mission d’intérêt général, le Minproff se voit chargé d’organiser la constatation des faits d’état civil, dont les principaux ont trait à la naissance, à la situation matrimoniale ainsi qu’au décès de l’individu, et de dresser les actes s’y rapportant. C’est toute la raison d’exister de portefeuilles d’activités centrés sur ce qu’il convient d’appeler «Programme d’enregistrement hors délais des naissances des enfants». «L’accompagnement que le Minproff apporte aux familles trouve son ancrage dans le Décret N°2012/638 du 21 décembre 2012 portant organisation de ce département ministériel, lequel décret crée une Direction de la Promotion et de la Protection de la Famille et des Droits de l’Enfant. Ce texte dispose en son article 33, alinéa 2 que le Service de la Promotion des Droits de l’Enfant est chargé de «la facilitation de l’enregistrement des naissances», explique le Minproff. Toujours selon cette source, «cette facilitation peut revêtir deux formes: Il s’agit d’une part de toute sensibilisation des familles et communautés sur l’importance de l’acte de naissance et la nécessité de déclarer toute naissance dans les délais légaux. Nos services de terrain s’y emploient au quotidien. D’autre part, cette facilitation peut s’entendre de tout appui que le Minproff pourrait apporter aux familles vulnérables, en vue de l’enregistrement hors délais de leurs enfants à l’état civil à travers la procédure des jugements supplétifs».
Jean-René Meva’a Amougou
