Comme s’ils s’étaient passé le mot, plusieurs pays africains ont annoncé un ambitieux programme de construction de centrales nucléaires pour produire de l’électricité.

La dernière annonce du Burkina Faso, de vouloir construire une centrale nucléaire a remis au goût du jour cette tendance devenue à la mode pour certains États, d’ambitionner de détenir une centrale sur son territoire. Outre le Burkina Faso, le Maroc (pour l’heure, la date du démarrage des travaux de construction des centrales n’est pas connue, mais on sait que la Russie a signé un accord avec Rabat en 2022), le Kenya (on sait aussi que depuis quelques années, Nairobi coopère dans le domaine du nucléaire avec la Chine, la Russie, la Corée du Sud et la Slovaquie), le Ghana (Accra a signé, fin août 2024, avec les États-Unis, un accord nucléaire novateur visant à faire passer le Ghana à une production d’énergie sans carbone), Le Rwanda (le pays a signé en septembre 2023 un accord d’implémentation du projet avec une société canado-allemande appelée Dual Fluid Energy Inc), l’Égypte (depuis 2015, le pays est lié par un accord avec le conglomérat russe Rosatom, qui gère 70% du marché mondial de constructions des centrales nucléaires)., l’Ouganda, le Niger, le Nigeria, la Tunisie, la Zambie ou encore le Soudan ont déjà déclaré vouloir passer à la production d’énergie nucléaire.
Mais ces projets connaissent des fortunes diverses. Plusieurs points expliquent cette réticence, de la part des populations et de la société civile. D’abord pour la maîtrise de la technologie. L’usage de cette énergie renouvelable est resté pendant longtemps un tabou en Afrique, du fait de l’usage de sa matière première à des fins d’armement.
Ce que Claire Kerboul appelle «la peur de l’inconnu» exacerbée par les médias. Le nucléaire reste largement mal connu, car peu ou pas enseigné, selon elle.
«Les Africains n’ont pas encore la technologie nucléaire, ce qui les expose à de la main d’œuvre étrangère qui pourrait s’avérer plus onéreuse», estime pour sa part Didier Dinamou, spécialiste des énergies renouvelables. L’expert pense qu’il est préférable que les pays africains investissent dans les énergies dont ils ont la maitrise, comme l’hydroélectrique et le solaire, «dont ils maîtrisent le coût et la maintenance, pour éviter une dépendance à la main d’œuvre étrangère». Il craint aussi que certains pays ne produisant pas l’uranium soient dépendants de leurs fournisseurs, ce qui pourrait se traduire par des pénuries ou l’explosion des prix chez le consommateur final.
Dans les pays ayant affirmé leur volonté de se doter de la technologie nucléaire, la société civile lève souvent le ton pour émettre des inquiétudes. Au Maroc, par exemple, les inquiétudes portent sur la gestion des résidus.
La gestion post-production des centrales nucléaires reste un défi. Selon la Commission canadienne de sûreté nucléaire, 97% des déchets radioactifs sont inoffensifs, pouvant être éliminés comme de simples déchets.
En revanche, les 3% restants sont composés de déchets de haute activité. Ils peuvent demeurer radioactifs pendant des centaines d’années.
En plus, les populations craignent des accidents dans les centrales. Les accidents dans les centrales nucléaires sont rares, mais deux sont arrivés ces dernières décennies. En avril 1986 à Tchernobyl en Ukraine et Fukushima au Japon en 2011.
L’Ong Greenpeace, dans une de ses sorties, a par exemple déconseillé aux gouvernements africains d’investir dans ce type d’énergie, évoquant sa dangerosité. «Il existe des alternatives énergétiques moins coûteuses, plus sûres et plus durables pour l’Afrique. Il n’y a pas de place pour l’investissement nucléaire risqué», déclare l’ONG sur son site Internet.
Ongoung Zong Bella
