C’est ce que révèle le rapport d’analyse de l’Annuaire statistique du secteur de l’éducation et de la formation au Cameroun de 2022, publié par l’Institut national de la statistique (INS).
Savoir lire, écrire et compter: tel est l’objectif à atteindre pour les élèves à l’école primaire. Les évaluations à l’entrée en 6e et From 1 sont ensuite là pour vérifier ces compétences… Mais, selon l’INS, au Cameroun, 56% des élèves en fin de cycle primaire francophone et anglophone ont un défaut de lecture. Dans cette discipline, le niveau d’acquisition des compétences est en dessous du seuil acceptable au CM2 ou Class 6.
Disparités
Pour justifier cet état de choses, l’institution en charge de la production des statistiques officielles au Cameroun pointe «l’environnement scolaire». «La situation est alarmante dans les zones d’éducation prioritaire», s’inquiète-t-elle. Bien entendu, l’INS ne parle pas d’analphabétisme total puisque, selon elle, une bonne partie des élèves dans ces zones est capable de déchiffrer approximativement un texte simple. Dans ces zones, il y a de «bons élèves qui ont moins progressé qu’ils n’auraient pu» et plus de mauvais élèves qui «n’ont pas réussi à progresser». D’après ces évaluations, souligne l’INS, en 6e ou From 1, un tiers des élèves issus de ces aires ont le niveau de lecture d’un élève de CE1 ou de Class 3. «Un retard de près de quatre ans qui cause d’énormes disparités avec les élèves vivant dans d’autres zones. «Lors du test de lecture, les élèves devaient lire le maximum de mots en une minute. Résultat: 53 % d’entre eux n’ont pas réussi à lire plus de 90 mots en une minute, le niveau attendu en classe de CE2 (Class 4)», s’indigne Engelbert Messi Mboé, instituteur émérite de l’enseignement primaire et maternel.
Failles
Pendant que l’INS s’attarde sur les zones d’éducation prioritaire, les hommes de terrain indexent «la nouvelle pédagogie». «Elle s’est engouffrée dans la logique des compétences parce que promue en première ligne, à travers sa désignation nouvelle. Le “lire écrire compter“ primaire, est le nouveau parent pauvre des programmes centrés sur les disciplines secondaires. Aujourd’hui, l’essentiel c’est que l’enfant obtienne son Certificat d’études primaires, or auparavant, on pouvait reprendre une classe jusqu’à cinq fois chose qui n’est plus possible car le système prévoit que l’enfant ne reprenne qu’une fois un niveau d’études», peste Olga Wakam.
Dans cette faille que relève l’institutrice de l’enseignement primaire et maternel à la retraite, plusieurs modèles se trouvent en concurrence. «Ici, c’est pas après pas. Les mots sont d’abord épelés et syllabés, puis lus mot après mot et par pause, enfin couramment. L’élève lit à voix haute une page inconnue, sans trébucher, en montrant par son intonation qu’il comprend. Là-bas, on enferre les enfants dans une combinatoire dénuée de sens, parce que les corpus de lecture sont à la merci du non-sens justement», explique-t-elle.
Pour y remédier, il estime qu’il est nécessaire de «conjuguer les efforts de tous les acteurs du système éducatif pour atteindre une qualité dans l’enseignement et surmonter cette situation». De l’avis de Nkwain Hashley Tumenta, instituteur et syndicaliste, «il faut une politique de généralité de la gratuité du livre car l’enfant qui n’a pas de livre ne peut pas apprendre à lire et celui qui n’a pas de livre de calcul ne peut faire de calcul. La deuxième chose, il faut agir au niveau des enseignants en leur garantissant de bonnes conditions de vie et de travail et enfin, il faut revoir les pédagogies de calcul et de lecture en s’interrogeant sur leur efficacité».
Jean-René Meva’a Amougou