«En Afrique, l’économie du mécontentement gagne du terrain». Dans un article paru sur son site internet ce 20 novembre 2024, le quotidien le Monde propose de revenir sur le très vaste mouvement de protestations et de revendications qui agite quelques pays africains ces derniers temps.
Selon le journal français, «les conséquences de deux ans de crise inflationniste –prix hauts, Etats surendettés, aides en baisse– alimentent une colère sociale de plus en plus forte sur le continent africain, une potentielle source de troubles politiques». «Cette colère sourde et diffuse s’est amplifiée à tel point que, dans ses dernières perspectives économiques consacrées à l’Afrique subsaharienne, publiées fin octobre, le Fonds monétaire international (FMI) s’est inquiété, pour la première fois, d’une montée de l’«agitation sociale», explique Le Monde.
En poursuivant la lecture, l’on se persuade que le média français trace son sillon dans «un continent où les dépenses sociales sont amputées par le remboursement d’une dette de plus en plus coûteuse, et où les hausses de prix se taillent dans le pouvoir d’achat et aggravent la malnutrition, les conditions de vie sont de plus en plus précaires». En quelques mots, la situation se résume: sous la pression des mécontentements accumulés, le couvercle de la marmite est en train de se soulever violemment dans les pays africains. Ce n’est pas tout. En matière de négociation sociale, nous sommes au bout d’un système dépassé qui produit davantage des désaccords, des crispations auprès des peuples résignés à ne plus discuter que de compromis de gestion boiteux, faute de mieux.
«Economie du mécontentement», l’expression finit alors par donner son nom à ce qu’il faudrait appeler non pas une impasse, mais un modèle social pris dans l’impasse. Ce constat n’est pas en soi une exagération. Il fait simplement part d’un modèle social imposé aux Africains par le système économique international mis en place par une poignée de pays dits industrialisés, à la merci desquels se trouvent la finance internationale. Quels que soient les mots pour le dire, il y a une manière de faire jouer la perfidie de ces pays dont les stratégies d’écriture du récit économique mondial puisent dans le déni et l’oppression des peuples hors de leur cercle. Depuis toujours, ces pays ne font que renforcer un processus antérieur, en lui donnant des moyens supplémentaires de coercition et d’exploitation. S’il est désormais accepté que la violence structurelle de l’injustice économique internationale se donne beaucoup plus à voir en Afrique, il y a lieu de dire que la fronde sociale actuelle dans certains pays du continent ne sort pas du cadre de la question d’un processus mis en œuvre depuis des lustres par quelques pays auto-proclamés «maîtres du monde».
On nous reprochera peut-être de rester prisonniers d’un discours qui reproduit, par les concepts qu’il actionne, la précarisation à l’infini des Africains. C’est la raison pour laquelle ces écrits sonnent l’exigence de la revalorisation des Africains comme acteurs de l’Histoire. La question de fond est alors de refuser de faire des pays industrialisés les seuls agents de cette Histoire. C’est d’abord un sentiment, difficilement transposable en paroles, et sans doute trop intime pour être exposé publiquement sans embarras. D’une certaine façon, c’est ainsi que les choses se règleront. Nous, Africains, sommes des acteurs de l’Histoire et vous autres, tous les autres, serez simplement là pour étudier ce que nous faisons!
Jean-René Meva’a Amougou