Désireux de mettre en œuvre la décision (Assembly/AU/Dec.394 (XVIII) de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, adoptée au cours de sa dix-huitième session ordinaire tenue les 29 et 30 janvier 2012 à Addis-Abeba (Éthiopie), relative au cadre, à la Feuille de route et à l’Architecture concernant l’accélération de la création rapide de la Zone de libre-échange continentale africaine et au Plan d’action pour la stimulation du commerce intra-africain.
Conscients du lancement des négociations en vue de la création d’une Zone de libre-échange continentale visant à intégrer les marchés africains conformément aux objectifs et principes énoncés dans le Traité d’Abuja lors de la vingt-cinquième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine tenue à Johannesburg (Afrique du Sud) les 14 et 15 juin 2015 [Assembly/AU/Dec. 569(XXV)]. Tenant compte des aspirations énoncées dans l’Agenda 2063 visant à créer un marché continental avec la libre circulation des personnes, des capitaux, des marchandises et des services, qui sont essentiels pour le renforcement de l’intégration économique, la promotion du développement agricole, la sécurité alimentaire, l’industrialisation et la transformation structurelle économique, la ZLECAF fait couler beaucoup d’encre et de salive en Afrique.
Conformément à l’article 2 de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine signé à Kigali, le 21 mars 2018 lors du Sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA), «il est créé une Zone de libre-échange continentale africaine, ci-après dénommée «ZLECAF». Celle-ci (ZLZCAF), poursuit des objectifs généraux1 et spécifiques2 , qui pourraient se résumer à l’intégration régionale et le développement économique du continent. Au regard des buts poursuivis par cette organisation continentale, l’on est en droit de s’interroger sur l’avenir de la ZLECAF. Dès lors, quelles sont les attentes voire visions de la ZLECAF à court et à long terme pour le développement africain? Cette question offre l’occasion de porter un regard sur la cohérence des instruments qui devraient escorter la ZLECAF, et permet dans une approche prospective de spéculer sur les éventuels défis et succès de cet organisme continental.
Indubitablement ces espoirs sont multiples. En convolant, la pensée Moubarack LO et Amaye SY sur la question3, le programme d’intégration de la ZLECAF entre les pays africains affecte plusieurs dimensions du développement économique visant à prôner la libre circulation des personnes et des biens4. Un large éventail de facteurs structurels déterminera les progrès et les résultats du projet d’intégration. Il s’agit notamment des barrières non-tarifaires, des coûts de mise en œuvre et d’ajustement, de la transformation structurelle et des politiques industrielles, etc.
1- La suppression des barrières non-tarifaires pour une recrudescence du commerce transfrontalier
L’élimination progressive des barrières non-tarifaires est un défi que les gouvernements africains doivent relever pour stimuler l’impact de la ZLECAF sur le développement. Selon la CNUCED (2018), les facteurs non-tarifaires doivent être définis au sens large et ils comprennent ceux qui rendent le commerce difficile ou coûteux, tels que les barrières non-tarifaires typiques (par exemple, les quotas, les subventions, les licences et l’application restrictive de mesures non-tarifaires telles que les règles d’origine et les mesures sanitaires et phytosanitaires), les infrastructures de logistique et de transport et d’autres facteurs qui peuvent affecter indirectement le commerce (par exemple, le crédit, le capital humain, le climat commercial). Alors que l’accord a donné la priorité à la suppression des obstacles physiques et fiscaux au commerce, il apparaît de plus en plus clairement que la persistance des barrières non- tarifaires qui ont étouffé le commerce transfrontalier dans le passé pourrait continuer à constituer un obstacle majeur pendant la mise en œuvre de l’accord commercial. D’ores et déjà, les enseignements tirés de l’intégration au niveau des Communautés économiques régionales (CER) d’Afrique montrent que l’impact de la réduction des droits de douane sur le commerce transfrontalier a été très limité, ce qui suggère que l’élimination des barrières fiscales n’est pas la contrainte la plus importante (FMI, 2019). Cette constatation est particulièrement vraie dans un environnement institutionnel difficile où le chevauchement des adhésions aux communautés économiques régionales a entravé la normalisation du commerce et les mécanismes d’application (Banque mondiale 2018)5. Cette aspiration s’observe aussi au niveau du renforcement du déficit des infrastructures.
2- Le renforcement du déficit des infrastructures et logistiques
Il sera de plus en plus important, lors de la mise en œuvre de la ZLECAF, de combler le déficit d’infrastructures, qui a constitué un obstacle majeur à la croissance économique et à l’expansion du commerce intra-africain. Cet effort portera sur les infrastructures physiques et numériques qui, dans le contexte actuel de fragmentation des marchés africains, ont constitué des obstacles majeurs à la transformation économique et à la production industrielle, ainsi qu’à la distribution des marchandises (FMI 2019, Banque mondiale 2020, BAD 2019). La plupart des pays africains sont relativement mal classés, en ce qui concerne la qualité de l’infrastructure, et un tiers environ d’entre eux sont enclavés, indiquant que la médiocrité de l’infrastructure en Afrique diminue l’efficacité des réductions tarifaires censées stimuler les échanges commerciaux sur le continent (FMI 2019). Pour les pays enclavés, la logistique joue aussi un rôle important. Elle influe davantage sur leur capacité à commercer, et les services logistiques de base renforcent considérablement l’impact des baisses tarifaires sur le commerce. Globalement, l’amélioration de l’infrastructure et de la logistique commerciale de base est particulièrement importante pour que les pays enclavés puissent tirer profit des réductions tarifaires (FMI 2019)6. À coup sûr, l’incitation à la rénovation structurelle apparaît aussi comme une attente de la ZLECAF.
3- L’incitation de la réforme structurelle
À long terme, pour tirer pleinement parti des opportunités économiques de la ZLECAF, les États devront adopter des politiques de soutien pour encourager la transformation structurelle. Plusieurs raisons peuvent être mises en avant pour démontrer que la réalisation du potentiel de croissance et de développement associé à la ZLECAF nécessite un engagement politique fort pour mettre en œuvre les réformes politiques et structurelles susceptibles de résoudre la myriade de contraintes liées à l’offre auxquelles la région est confrontée. En effet, la ZLECAF est présentée comme un régime fondé sur des règles qui pourraient promouvoir la diversification sectorielle, les chaînes de valeur régionales et l’industrialisation, en s’appuyant sur les avantages d’un marché plus vaste et intégré qui crée des économies d’échelle et favorise la compétitivité ((BAD 2019), Banque mondiale (2020)). Toutefois, la libéralisation du commerce à elle seule est insuffisante pour remédier au manque de capacités industrielles (Oqubay 2019 ; Woolfrey/Byiers 2019)7. Ainsi l’appui à l’accès aux informations commerciales est aussi indéniable.
4- L’appui à l’accès aux informations sur le commerce
Le manque d’informations sur le commerce, actualisées, fiables et faciles d’accès est cité comme l’un des facteurs contribuant au faible niveau du commerce intra-africain. En effet, il y a des situations où les biens et les services, qui pourraient être fournis par d’autres pays africains, sont importés par les pays africains (Union africaine, 2019). Dans un grand marché comme la ZLECAF, un système d’informations sur le commerce qui fournit aux décideurs, importateurs, exportateurs, détaillants et investisseurs des données détaillées actualisées est crucial. Un nombre croissant de pays africains établissent progressivement des portails et des systèmes nationaux d’information sur le commerce et certains CER vont progressivement dans la même direction. Toutefois, plusieurs défis subsistent. Les systèmes d’informations sur le commerce en Afrique ont traditionnellement été orientés vers l’extérieur ; principalement vers l’Europe, les Amériques, le Moyen-Orient et l’Asie8 . Cet état de chose permet de mettre aussi un accent sur l’acquiescement aux petites et moyennes entreprises dans l’accès aux financements extérieurs.
5- L’acquiescement aux petites et moyennes entreprises dans l’accès aux financements du commerce extérieur
La profondeur et l’inclusion financières sont plus faibles en Afrique par rapport à d’autres régions, de sorte que l’accès au financement du commerce ou au financement bancaire pour créer ou développer des entreprises sera nécessaire pour promouvoir l’agenda de la ZLECAF (FMI, 2019). Selon un rapport d’enquête sur le financement du commerce en Afrique de la Banque africaine de développement (BAD,2017), la part du financement du commerce intra-africain dans le financement du commerce par les banques est restée constamment faible à travers l’Afrique, n’atteignant pas 20% (BAD, 2017). Or, le manque d’accès au financement est la contrainte la plus importante pour les PME exportatrices en Afrique parmi les multiples défis majeurs qui apparaissent lors de l’exportation de marchandises (BAD, 2017). Dans ce contexte, une plus grande profondeur financière à un niveau comparable à la moyenne mondiale soutiendrait une expansion significative du commerce9. Que dire in fine de la mise en œuvre des mesures d’accommodation et d’accompagnement?
6- La mise en œuvre des mesures d’acclimatation et d’accompagnement
La mise en œuvre de la ZLECAF pourrait entraîner des coûts de transition pour les pays membres. Il pourrait s’agir : (1) de pertes de recettes fiscales dues à la baisse des tarifs d’importation, (2) d’une augmentation des inégalités de revenus et (3) d’une hausse du chômage, en particulier lorsque la libéralisation des échanges ne s’accompagne pas de réformes visant à rendre les marchés du travail plus flexibles et les travailleurs plus mobiles pour saisir de nouvelles opportunités. La plupart des études évaluant l’impact budgétaire des réformes liées à la ZLECAF montrent que les pertes de recettes tarifaires moyennes à l’échelle de l’Afrique seraient limitées (FMI, 2019) parce que les recettes douanières reflètent le niveau du commerce intra-régional, qui reste relativement faible et fortement déséquilibré. À moyen et long terme, la ZLECAF augmentera le PIB des pays membres et élargira leurs bases d’imposition par plusieurs canaux, notamment la création d’échanges, l’avantage comparatif dynamique et le cycle international des produits. Toutefois, les coûts d’ajustement budgétaire à court terme pourraient être importants pour les pays qui s’approvisionnent pour une grande partie de leurs importations dans la région ou qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée et pourraient être confrontés à des déficits budgétaires croissants 10.
Fort de ce qui précède, et dans l’espoir d’une mise en œuvre effective des désirâtes de la ZLECAF, il se dévoile que, avec la ZLECAF les lendemains de l’essor du contient noire sont en bonne voie . Son implémentation effective nécessite la bonne volonté des gouvernements africains, en prônant la solidarité régionale, la bonne gouvernance et la préservation d’une paix durable, car ne dit-on pas que «sans paix, aucun véritable développement ne serait probable à long terme»
Pour réussir, les politiques d’intégration commerciale régionale devraient donc atténuer les effets négatifs possibles de l’intégration commerciale sur la répartition des revenus, en particulier dans les économies les plus diversifiées, par le biais de programmes sociaux ciblés (par exemple, le soutien au revenu) et de programmes de formation pour faciliter la mobilité des travailleurs entre les industries et promouvoir l’emploi (FMI 2019, Tayeb GHAZI, 2021).
Fort de ce qui précède, et dans l’espoir d’une mise en œuvre effective des désirâtes de la ZLECAF, il se dévoile que, avec la ZLECAF les lendemains de l’essor du contient noire sont en bonne voie11. Son implémentation effective nécessite la bonne volonté des gouvernements africains, en prônant la solidarité régionale, la bonne gouvernance et la préservation d’une paix durable, car ne dit-on pas que «sans paix, aucun véritable développement ne serait probable à long terme».
1. Cf. Article 3 de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine.
- Cf. Article 4 de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine.
- M. LO et A. SY, « Défis, opportunités, impacts et facteurs de succès de la ZLECAf », Policy Paper, Septembre 2022, 24p.
- Lire utilement : J-C. TCHEUWA, « Brèves réflexions sur la libre circulation des personnes et la citoyenneté dans la CEMAC », Cahier africain des droits de l’Homme, mars 2002, n°6-7, p. 162 et ss; E. GNIMPIEBA TONNANG, « la libre circulation des personnes et des services en Afrique centrale : entre concrétisations textuelles, vides jurisprudentiels et hésitations politiques», Recueil Pénant, octobre-décembre 2006, n°857, pp. 3-31 ; S. LOUNGOU, «La libre circulation des personnes au sein de l’espace de la CEMAC : entre mythes et réalités», Revue belges de géographie, 3/2010, pp. 315-330 (il s’agit de l’approche de la libre circulation des personnes par les géographes) ; S-P. ZOGO NKODA, «La libre circulation des personnes : Réflexions sur l’expérience de la CEMAC et de la CEDEAO», Revue internationale de droit économique, 2011/1, tome XXV, pp. 113-136 ; S-M. FOTUE, La libre circulation des biens et des personnes en zones CEMAC et UEMOA : Etude comparative, Mémoire en vue de l’obtention du Master en droit communautaire et comparé CEMAC, Université de Dschang, Avril 2011 ; J. BIPELE KEMFOUEDIO, «La libre circulation des personnes comme droit fondamental en zone CEMAC», Revue Centre Michel de l’Hôpital, n°21, 2020, pp. 1-30, etc.
- À quelques exceptions près, notamment la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), où elles ont été relativement élevées (19% des importations totales), les importations transfrontalières en provenance d’autres CER sont restées très faibles, même si elles ont été effectuées en franchise de droits ou par le biais de droits de douane relativement bas (FMI 2019). L’un des exemples les plus illustratifs est celui de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), où les importations transfrontalières au sein des CER ont représenté moins de 0,2 % des importations totales des pays membres. À l’échelle du continent, les pays membres de la CEMAC, qui commercent encore davantage avec l’Europe qu’entre eux, ont représenté moins de 5 pour cent du commerce intra-africain total en 2019. En revanche, en tant que communauté économique régionale la plus dynamique, la SADC a représenté un bon 56,6 pour cent du commerce intra-africain total. Cependant, même les deux CER les plus performantes en matière de commerce intra-régional (la SADC et la CAE) commercent toujours davantage avec le reste du monde, s’approvisionnant respectivement à plus de 70 pour cent et 85 pour cent en dehors de l’Afrique (CNUCED, 2016). De fait, les modèles EGC confirment uniformément que la réduction des coûts commerciaux non tarifaires a un impact beaucoup plus important sur les flux commerciaux que l’élimination des tarifs. Selon les estimations, l’élimination des droits de douane sur le commerce intra-régional augmenterait le commerce dans la région d’environ 15% à 25 % à moyen terme, alors que la réduction de moitié des barrières non- tarifaires ferait plus que doubler ces effets (FMI 2019). Les modèles montrent également que les baisses tarifaires ont un effet limité sur le bien-être et que seule la réduction simultanée des obstacles tarifaires et non-tarifaires peut avoir des effets bénéfiques notables sur le bien-être et le PIB (FMI 2019, Banque mondiale 2020, BAD 2019). À court terme, le coût des barrières non-tarifaires constitue un obstacle important au commerce et à la croissance économique de la plupart des pays du continent et pourrait compromettre la mise en œuvre de la ZLECAF. Par conséquent, le nombre croissant de mesures prises aux niveaux national, régional et continental pour s’attaquer aux contraintes émanant des barrières non-tarifaires est très encourageant. Parmi ces mesures, on peut citer les plans annoncés par le gouvernement rwandais visant à automatiser entièrement le dédouanement des exportations et des importations et à réduire le temps nécessaire au dédouanement des cargaisons, dans le but de stimuler les recettes, de réduire les coûts du commerce international et d’augmenter les flux de marchandises imposables (Afreximbank 2019b). Au niveau régional, la mise en œuvre du territoire douanier unique de la CAE a permis de réduire les temps et les coûts de transit des marchandises entrant dans la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) par Mombasa, respectivement d’environ 50% et 30% (UA 2019). Au niveau continental, le mécanisme en ligne dirigé par l’UA sur le suivi, les rapports et l’élimination des barrières non-tarifaires, est l’un des principaux instruments de soutien pour accélérer la mise en œuvre de la ZLECAF. Le principal rôle de catalyseur du mécanisme est d’introduire l’efficacité dans la gestion et la résolution des barrières non- tarifaires et autres obstacles au commerce en vue de les éliminer.
- Pour mieux comprendre l’impact potentiel de l’élimination des barrières non-tarifaires sur le commerce, le Fonds monétaire international (FMI, 2019) a réalisé une étude approfondie visant à identifier l’ensemble des facteurs non-tarifaires qui expliquent le mieux les écarts commerciaux intra-régionaux en Afrique. Cette étude a identifié quatre facteurs comme étant les plus significatifs : la qualité des infrastructures, la disponibilité du crédit pour le secteur privé, l’environnement commercial et la logistique commerciale tels que les services liés aux douanes, les procédures de dédouanement, l’harmonisation des procédures et réglementations de transport et les services de courtage (FMI 2019). Parmi ces quatre éléments, la logistique commerciale est apparue comme la plus importante barrière non-tarifaire étouffant l’expansion du commerce intra-régional. Hypothétiquement, l’amélioration de la qualité de la logistique commerciale en Afrique pour atteindre le niveau moyen mondial (une amélioration d’environ 19 pour cent) permettrait de réduire les coûts des mouvements transfrontaliers de marchandises et d’augmenter le commerce interafricain de 12 pour cent (FMI 2019). Ces résultats ne sont pas surprenants, d’autant plus que les économies à faible revenu et les pays géographiquement défavorisés sont confrontés à des coûts de transport disproportionnellement plus élevés en raison du mauvais état des routes et des autres infrastructures. En Afrique, ces coûts sont nettement plus élevés que les moyennes des autres régions du monde en développement, en raison du nombre disproportionné de pays enclavés. La mauvaise qualité des infrastructures de transport représente 40% des coûts logistiques dans les pays côtiers et 60% dans les pays enclavés (CNUCED 2017, UA 2019). Les infrastructures ont été désignées comme le deuxième goulet d’étranglement non- tarifaire le plus important pour les flux commerciaux au sein de la région dans une étude récente du FMI (2019). Une analyse contrefactuelle dans cette étude suggère que, si tous les autres facteurs restent identiques, l’amélioration de la qualité de l’infrastructure de l’Afrique pour atteindre la moyenne mondiale (une amélioration d’environ 40 pour cent) stimulerait une augmentation de 7 pour cent des flux commerciaux intra-régionaux. Bien qu’elle soit beaucoup plus faible que les gains potentiels associés à l’amélioration de la logistique commerciale, une infrastructure de meilleure qualité a d’énormes implications pour la croissance de la productivité et la levée des contraintes liées à l’offre. En effet, l’amélioration des infrastructures pourrait indirectement stimuler le commerce intra-africain, ce qui pourrait entraîner un commerce intra-africain global et une croissance induite par le commerce beaucoup plus important que ne le suggèrent les résultats empiriques d’une analyse d’équilibre partiel.
- En outre, la ZLECAF ne dispose d’aucun programme visant à coordonner les politiques industrielles entre les États membres et les régions (Lunenborg, PETER (2019)). Plusieurs études basées sur des modèles EGC concluent que la capacité des économies africaines à bénéficier de la ZLECAF dépend de leur structure économique. Les économies plus diversifiées et axées sur l’industrie manufacturière, les pôles commerciaux régionaux existants et les petites économies – déjà relativement plus ouvertes à la concurrence internationale – sont susceptibles de bénéficier davantage de l’intégration commerciale régionale que les économies axées sur l’agriculture et les ressources naturelles (FMI, 2019). De manière générale, en raison des contraintes d’offre, la production africaine n’est pas parvenue à suivre l’évolution de la demande mondiale et du panier de consommation des ménages qui, grâce à la mondialisation, comprend davantage de produits manufacturés et de produits industriels à contenu technologique croissant. Si une application des règles d’origine n’est pas suivie d’un développement rapide des capacités productives pour accroître la production industrielle et les produits manufacturés, elle pourrait ironiquement devenir une contrainte majeure à la croissance économique plutôt qu’un accélérateur de l’industrialisation. En particulier, cette situation pourrait vraisemblablement se produire si les petites et moyennes entreprises (PME) de la région ne sont pas en mesure d’atteindre le seuil de valeur ajoutée requis pour bénéficier des préférences tarifaires de la ZLECAF (Signé et al, 2019). Dans ce contexte, les pays africains doivent simultanément développer leurs capacités de production industrielle pour faire face aux contraintes liées à l’offre. Le développement de l’industrie manufacturière est essentiel si les pays africains veulent augmenter la production de produits à valeur ajoutée, accroître les exportations de ces produits et réduire leurs déséquilibres commerciaux. Cette approche améliore la diversification économique, ce qui accélère la transformation structurelle. Les politiques visant à encourager la transformation structurelle pourraient inclure des programmes de formation pour les travailleurs, afin d’assurer une réaffectation en douceur de la main-d’œuvre et du capital vers des secteurs plus susceptibles de croître, tels que l’industrie manufacturière. Des programmes spéciaux de soutien et d’encadrement des PME pourraient être mis en œuvre, afin de leur permettre d’améliorer leurs techniques de production pour s’adapter aux exigences des marchés internationaux et aux normes internationales (Mouhamadou Moustapha Ly et Bertrand BIO-MAMA). Des leçons peuvent être tirées de la nouvelle approche de construction de zones économiques spéciales et de pôles industriels. Le concept de la ZES s’inspire des leçons tirées des économies de marché émergentes asiatiques qui ont réussi à mettre en œuvre le processus de transformation structurelle dans un contexte de main-d’œuvre excédentaire et de capital rare. Ces alternatives à court terme soutiennent déjà des taux de croissance économique robustes et contribuent à la diversification des sources de croissance et de commerce dans quelques pays africains qui font partie des économies à la croissance la plus rapide au monde (FMI, 2018). L’Éthiopie, qui poursuit activement une politique d’industrialisation de style asiatique, s’est appuyée sur les parcs industriels (notamment les Eastern Industry Zones et le Hawassa Industrial Park) pour diversifier sa base d’exportation. Grâce à son modèle d’industrialisation de style asiatique, l’Éthiopie est devenue l’un des principaux bénéficiaires du programme commercial préférentiel accordé par le gouvernement américain aux exportateurs africains dans le cadre de l’AGOA. De même, la zone économique spéciale de Kigali (KSEZ) a permis au Rwanda, une autre des économies à la croissance la plus rapide du continent, d’attirer des entreprises multinationales dans des secteurs allant de la fabrication automobile et aéronautique au textile et à l’habillement. Les entreprises de la KSEZ bénéficient de taux de croissance nettement plus élevés, avec une augmentation de 206 % des ventes et de 201 % de la valeur ajoutée par rapport aux entreprises similaires situées en dehors de la zone (CNUCED, 2019). Les pays africains pourraient également tirer parti des liens économiques qu’ils entretiennent déjà avec leurs partenaires traditionnels et mettre en place une nouvelle coopération Sud-Sud. Les liens économiques entre la Chine et l’Afrique ont contribué à catalyser la transformation économique de certains pays africains, comme l’Éthiopie.
- En outre, une grande partie du commerce intra-africain est largement non enregistrée, en partie en raison de la prédominance du commerce informel. L’expertise dans la collecte, le traitement et l’analyse des données et des informations est limitée. Les données et informations sur les mesures non-tarifaires sont souvent absentes. Dans ce contexte, il est nécessaire de rendre effectif l’Observatoire du commerce de l’Union prévu par l’architecture de la ZLECAF. Les informations sur le commerce peuvent être diffusées plus efficacement via des portails électroniques, auxquels la majorité des acteurs devraient avoir accès. L’Observatoire devrait collaborer fortement avec le secteur privé via notamment les chambres de commerce nationales.
- Selon le FMI, pour soutenir le commerce, l’intégration financière doit se concentrer sur le développement de l’infrastructure financière régionale. Il s’agit notamment de développer et d’harmoniser les systèmes de paiement régionaux pour faciliter davantage les paiements transfrontaliers, de créer des accords de swap entre les banques centrales et un centre de compensation multidevises dans la région pour réduire les risques liés aux échanges dans plusieurs devises régionales différentes, et de coordonner davantage la supervision des banques panafricaines qui peuvent faciliter le commerce intra régional. (FMI, 2019).
- Dans quelques pays, les pertes de recettes peuvent atteindre 3% à 5% du PIB (FMI, 2019). Pour ces pays, les autorités doivent définir des politiques claires de mobilisation des recettes intérieures lors de l’adhésion à la ZLECAF. La baisse soudaine et importante des recettes douanières pourrait creuser ces déficits et compromettre la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette. Plus généralement, elles pourraient compromettre les dividendes de la réforme associés à la mise en œuvre de la ZLECAF si des mesures d’atténuation à court terme ne sont pas prises. Les gouvernements des pays les plus exposés à des pertes de recettes à court terme devraient donner la priorité à la mise en œuvre de politiques qui améliorent leur situation budgétaire grâce à une meilleure conformité et application de l’impôt. Ces politiques devraient inclure le renforcement des systèmes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la rationalisation des exemptions et l’élargissement de la couverture de l’impôt sur le revenu. Les politiques doivent également diversifier les sources de croissance, élargir l’assiette fiscale, développer de nouvelles sources d’imposition et exploiter les technologies pour améliorer la tenue des registres, le suivi et l’audit. Ce dernier point est particulièrement important dans une région où les multinationales ont utilisé un réseau complexe de lois fiscales internationales et un large éventail de techniques comptables, notamment l’amortissement accéléré et les abris fiscaux offshore, pour éviter de payer des impôts (FMI, 2018) Cependant, il est peu probable que ces réformes fiscales atténuent entièrement les coûts d’ajustement à court terme associés à d’importantes pertes soudaines de recettes. Une solution temporaire ? pour les pays dont l’élasticité des flux commerciaux intra-africains aux tarifs douaniers est élevée et dont la marge de manœuvre pour l’expansion des recettes fiscales est limitée, consiste à recourir à la Facilité d’ajustement de la ZLECAF. Cet instrument fournit un financement à court et moyen termes aux pays vulnérables, leur permettant de s’adapter en douceur aux pertes soudaines de recettes tarifaires et aux défis de gestion macroéconomique découlant de la mise en œuvre de la ZLECAF. Bien que l’accent ait été mis jusqu’à présent sur les coûts d’ajustement budgétaire – notamment sous la forme de pertes de recettes fiscales attendues et de pressions budgétaires inhérentes, la ZLECAF est susceptible d’entraîner des dépenses supplémentaires. Ces dépenses peuvent résulter de la réaffectation des ressources découlant de la mise en œuvre d’un accord de libre-échange et comprennent les coûts de formation et de recyclage associés à l’obsolescence des compétences sur les marchés du travail. Les coûts transitoires liés au déplacement des capitaux entre les secteurs, ainsi que l’utilisation sous-optimale du stock de capital et des équipements productifs existants, qui pourrait nuire à la croissance économique, sont également des dépenses possibles (SAYGILI (2018), Lunenborg (2019)).
- D. BOBASHA, « La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLZCAF. Nécessité une politique d’intelligence économique », Hal openscience, 17 mai 2022, 11p.)
Dr. ABOMO AKONO Ramsès