Deux familles, dans cette localité située dans l’arrondissement de la Dibamba, département de la Sanaga-maritime, région du Littoral, se disputent un lopin de terre appelé à accueillir les installations d’une manufacture.

A l’origine, un litige foncier oppose la chefferie de Kendeck à Bertrand Kamgo, propriétaire du chantier d’installation d’une usine. «Le terrain, nous l’avons pratiquement depuis 15 ans. On y a effectué des coutumes et il y avait une maison d’habitation. On s’est résolu à réhabiliter le site et à l’aménager à d’autres fins. Mais, il se trouve que pendant l’exécution des travaux, il y a un certain monsieur qui est venu servir une convocation comme quoi le chef ordonne l’arrêt des travaux. On a essayé d’aborder le chef à notre niveau, afin d’avoir les raisons de la sommation. Il s’est retrouvé qu’il ne nous a rien dit de concret. On a acquis le terrain à partir d’une famille villageoise qui existe de ce côté», a expliqué Panewe Tchinda, porte-parole de Bertrand Kamgo.
Ici, la cohabitation entre les habitants et les maçons dudit chantier n’est pas des plus conviviale. Les voix se font entendre. «On me dit qu’il y a un chantier qui est ouvert. Comme il ne vient pas me voir, j’ai écrit une note pour ordonner l’arrêt des travaux», rapporte sa majesté Joseph Helès Tedga, chef du village Kendeck.
Après cet éclat de voix, le chef du village et deux jeunes chargés de la sécurité ont été convoqués par les forces de maintien de l’ordre. «Ils disent que mon frère et moi serons en garde à vue, le chef est rentré sous garant. Nous autres allons y rester. J’ai entendu parler d’une histoire d’argent, qu’ils viennent avec 1.500.000 FCFA quelque chose comme ça. Nous lui avons dit que chef, vous nous appelez pour une convocation on veut répondre, et ça devient la prison. Il m’avait lancé une parole: quand le terrain veut te prendre tu crois que c’est le jeu, mais quand ça te prend tu crois que c’est la sorcellerie», raconte Jean Eric Ntogue, un jeune du village.
Du côté de Bertrand Kamgo, on reconnaît avoir saisi les forces de maintien de l’ordre après l’incident. «A partir du moment où on s’est rendu compte qu’il y avait des oppositions, on a interpellé les forces de l’ordre pour qu’elles viennent essayer de mettre la lumière là-dessus. Et à partir de là, quand on a retenu deux sujets, cela veut dire que ces deux éléments y étaient pour quelque chose. Ce n’est pas nous qui faisons la loi», a expliqué le porte-parole de M. Kamgo.
Bras de fer
Pour défier son challenger, le chef du village Kendeck a, lui aussi à son tour, saisi plusieurs autorités compétentes à savoir: le ministre des Affaires foncières, le gouverneur de la région de Littoral, le préfet de la Sanaga maritime qui a brillé par son absence à une concertation ordonnée par le ministre des Affaires foncières avec document à l’appui.
Bertrand Kamgo, propriétaire de l’usine en construction, détient en effet un titre foncier numéro 5454 sur cette parcelle de terrain. Un titre foncier contesté par le chef qui parle d’un terrain communautaire. «Quand c’est non titré, c’est pour le village, on appelle domaine national. Quand c’est libre c’est la communauté», explique le chef du village Kendeck.
En plus, le terrain, selon le chef de Kendeck, est bel et bien situé dans son territoire au regard des limites des deux villages. «C’est le chef de Missolè qui aurait fait ce titre foncier. Mais là, on est à Kendeck et non Missolè. La limite avec Kendeck et Missolè, c’est le cours d’eau qu’on appelle Missolè, comment il vient faire le travail chez moi ?» interroge sa majesté Helès Tedga.
Le propriétaire du titre foncier accuse également le chef du village Kendeck de tribalisme. Un argument que le village balayé d’un revers de la main, à travers le témoignage d’un ressortissant de l’Ouest qui est chef de bloc et notable de ladite chefferie. «Il y a beaucoup de peuple venant de l’Ouest, du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et du Nord. Comme tu connais mieux cette culture-là, je ne voudrais plus que certains problèmes d’ordre culturel arrivent chez moi. Il est mieux que toi tu puisses gérer ce secteur. C’est comme ça qu’il me met sur ce dossier. Et en plus, je suis notable à la chefferie», indique Landry Kenmogne.
Malgré la barrière en matériaux provisoires érigée par le chef du village Kendeck, les travaux ne sont pas en arrêt dans ce chantier. Entre-temps, le village Kendeck par la voix de son chef a le regard tourné vers la justice qui est appelée à remettre chacun dans son droit.
Diane Kenfack
