Les chrétiens catholiques ont célébré la Pentecôte, le 19 mai 2024.
Je voudrais revenir sur cette solennité pour faire remarquer que le plus important enseignement de la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres 50 jours après Pâques, c’est que Pierre et ses compagnons furent libérés de la peur, ce jour-là, puisque, en leur nom, Pierre osa affirmer publiquement ceci: ”Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a relevé de la mort, nous en sommes tous témoins.” (Ac 2,32)
Après la Pentecôte, les apôtres continuèrent de parler et d’agir sans peur. Ainsi, quand ils furent sommés par le Sanhédrin de ne plus parler du Nazaréen, ils donnèrent la réponse suivante: « Nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu. » (Ac 4, 20)
Si, après les veillées et retraites organisées ici et là, le Saint Esprit est réellement descendu sur les catholiques africains le 19 mai, ces derniers logiquement ne devraient plus vivre dans la peur. Car le Saint Esprit est censé les avoir affranchis de la peur. Or que constate-t-on? Nous continuons d’être paralysés par la peur: peur des sorciers qui nous empêche d’aller au village, peur de dénoncer le faux, l’injustice et l’arbitraire parce que cela pourrait briser notre carrière ou nous faire perdre certaines amitiés ou nous coûter la prison, le rejet ou la persécution, peur d’être nous-mêmes.
Mais être constamment sous l’emprise de la peur, se laisser dominer par la peur au point d’être obligé de regarder à droite et à gauche avant de prononcer un mot, n’est-ce pas mener une vie de mort-vivant? Si à 50, 60 ou 70 ans, un individu est incapable de dire ce qu’il pense, de s’exprimer librement, à quel moment va-t-il le faire?
Certains objecteront tout de suite que seuls les Africains de la diaspora peuvent critiquer les satrapes africains et leurs régimes répressifs. Mais le député-maire de Tiassalé, qui régulièrement dénonce les détournements de fonds publics et qui a dévoilé comment la compagnie française Orange s’enrichit frauduleusement sur le dos des Ivoiriens, ne vit-il pas en Côte d’Ivoire? La foudre s’est-elle abattue sur lui? Assalé Antoine Tiémoko ne circule-t-il pas librement? Pourquoi les autres députés chrétiens ne parlent-ils pas? L’Esprit Saint reçu par Assalé, à supposer qu’il soit chrétien, serait-il spécial?
Un jour, quelqu’un me disait que celui qui veut vivre longtemps doit fermer sa bouche. L’expérience ne confirme pas cette assertion puisque la mort frappe aussi bien celui qui parle que celui qui se tait. Un homme digne de ce nom devrait dire ce qu’il pense avant de quitter ce monde. Pourquoi? Parce qu’une parole peut faire du bien à quelqu’un, quelque part, parce qu’aucune parole n’est prononcée en vain, parce que ce n’est pas un hasard si l’Église catholique nous fait reprendre à la messe la parole du centurion romain : « Seigneur, dis seulement une parole et je serai guéri. »
La parole d’Émile Zola sauva le capitaine Alfred Dreyfus injustement accusé et emprisonné.
Jean-Paul II guérit le peuple haïtien en déclarant devant le dictateur Jean-Claude Duvalier le 9 mars 1983 : « Il faut que les choses changent ici. »
5 ans plus tôt, au début de son pontificat, il exhortait toute l’Église catholique en ces termes : « Nayez pas peur ! »
On ne peut prétendre avoir reçu l’Esprit Saint et trembler devant les riches, les puissants et ceux qui sont en train de détruire le monde. L’Esprit Saint, qui est un Esprit de liberté et non de crainte, demande aux chrétiens de se dresser partout contre ceux qui affament, oppriment et exploitent leurs semblables.
Jean-Claude Djéréké