Campagne électorale américaine: la leçon qui vient d’Afrique

Il porte un impeccable pansement blanc à l’oreille droite, comme pour souligner son étonnante capacité à transformer l’adversité en triomphe. Donald Trump, 78 ans, a été investi candidat républicain pour la présidentielle américaine, jeudi 18 juillet 2024. En Pennsylvanie, devant une foule de supporters ébahis face au magnat de l’immobilier, rescapé d’une tentative d’assassinat cinq jours plus tôt, Donald Trump s’est dépeint en dirigeant à la stature internationale, capable de mettre fin aux conflits dans le monde «avec un coup de téléphone».
La première difficulté, quand on entend cela, c’est de ne pas croire que Trump, pur produit du capitalisme et de l’industrie du divertissement, intéressé avant tout par une haute opinion de lui-même, fait dans l’exagération. Surtout quand on sait aussi que, en matière intérieure et plus encore extérieure, le cours de la politique américaine ne change pas en un jour. Difficulté supplémentaire: ne pas croire qu’en vérité, depuis longtemps, comme Trump, les autres candidats à la présidence des États-Unis ont un projet de société. Ce projet est celui d’une Amérique nostalgique, blanche, patriarcale, fermée sur elle-même, autosuffisante et combative. En cela, il a fait sien l’agenda du Parti républicain en misant sur le récit de l’identité perdue des États-Unis.
De la même façon que l’on entre dans l’univers d’une grande marque, on entre dans l’univers de Donald Trump, lequel a, à une certaine époque, parlé de «pays de merde». Dès lors, avec une telle déclaration inconséquente, il devient difficile d’élaborer une lecture «civilisationnelle» de la politique africaine du 45ᵉ président des États-Unis. Pour l’heure, plus que le produit d’une doctrine clairement identifiable, cette politique se résume en un ensemble de déclarations ad hoc aux objectifs divers et variés. À ce niveau, les Africains peuvent se targuer de faire la leçon à Donald Trump et à ses concurrents. Plus qu’un simple point de situation sur ce qu’est la démocratie américaine, l’Afrique prêche un nationalisme de combat qui conduit inévitablement à une confrontation avec l’ordre mondial actuel. Elle enseigne aux États-Unis que, plutôt que d’assumer un leadership aujourd’hui en déshérence, il faut être à la recherche d’un nouvel équilibre qui pourrait rendre au monde entier la stabilité et la sécurité. Cette quête vaut dans tous les domaines: politique, avec le besoin d’une gouvernance mondiale solide prenant en compte le poids des nouveaux acteurs apparus sur la scène internationale; économique, pour donner à la communauté internationale les moyens de favoriser une croissance plus juste et plus durable; sécuritaire, pour lutter contre le terrorisme, maîtriser les tentations d’interventions militaires.
Oui, l’Afrique ne cherche pas davantage à conceptualiser le changement qu’elle ambitionne de créer. Elle offre une alternative sérieuse au système international actuel malmené par la surenchère concurrentielle, la pression des mouvements financiers, la révolution technologique et les risques écologiques. De ce point de vue, une Amérique qui redeviendrait une force de proposition plutôt qu’un facteur de désordre constituerait un changement bienvenu pour la communauté internationale. Il n’est pas trop tard pour l’espérer. Or, pour tous ceux qui ambitionnent de gouverner les États-Unis, la refonte du système international représente une option très éloignée. Et ce justement parce qu’ils oublient que c’est là un détail prosaïque qui accentue la distance entre les causes et les effets de l’instabilité mondiale.

Jean-René Meva’a Amougou

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