Afrique : des dirigeants vieillissants s’accrochent au pouvoir sur un continent jeune

Le président camerounais Paul Biya incarne le « Big Man » anachronique qui freine son pays. L’Afrique a un problème encore plus sérieux que les États-Unis : des politiciens vieillissants qui refusent de céder le pouvoir.

Le Cameroun en est un exemple emblématique. Lundi, le gouvernement a annoncé que le président Paul Biya, âgé de 92 ans, a été réélu pour un nouveau mandat de sept ans. Le qualifier de « vainqueur » est généreux, puisque l’élection a presque certainement été truquée.

Sans surprise, cette annonce a provoqué des troubles dans un pays de 29 millions d’habitants, où l’âge médian est de 18,9 ans et plus de 70 % de la population a moins de 35 ans. La grande majorité des Camerounais n’étaient même pas nés lorsque Biya a pris le pouvoir en 1982.
L’Afrique, le continent le plus jeune, reste dominée par des hommes âgés, coupés depuis longtemps des sentiments populaires. Déjà le chef d’État le plus âgé du monde, Biya approchera les 100 ans s’il termine son huitième mandat.

Le président du Togo a 86 ans. Celui du Malawi, 85 ans. Celui de la Côte d’Ivoire, 83 ans. Cette gérontocratie crée une situation explosive qui promet presque assurément des conflits futurs.


Biya illustre le « Big Man » à l’africaine à l’ancienne : un dirigeant souvent charismatique et autocratique, qui maintient son pouvoir grâce à un mélange de clientélisme, de largesses et de brutalité. Parmi les « Big Men » actuels figurent le président ougandais Yoweri Museveni, 81 ans, candidat à sa réélection l’an prochain ; Denis Sassou Nguesso, 81 ans, président du Congo depuis plus de 40 ans ; et Isaias Afwerki, président de l’Érythrée, 79 ans, au pouvoir depuis 1993. Un relatif nouveau venu est Emmerson Mnangagwa, président du Zimbabwe, 83 ans, arrivé au pouvoir en 2017 et qui envisage de se représenter en 2028.

Comme dans de nombreux pays d’Afrique, les élections au Cameroun sont largement des spectacles destinés à légitimer la mainmise de l’incubent sur le pouvoir. Les victoires de Biya ont toujours été marquées par des fraudes généralisées, le bourrage d’urnes et l’intimidation des opposants.

Le peuple manifeste clairement son désir de changement. Biya passe une grande partie de son temps en Suisse, accumulant des dizaines de millions de francs en frais d’hôtel. Même sa fille de 27 ans, célèbre pour son style de vie luxueux affiché sur les réseaux sociaux, a publié un mois dernier une vidéo appelant les gens à ne pas voter pour son père, l’accusant de la souffrance nationale. Le principal challenger de Biya, Issa Tchiroma Bakary, a servi dans son gouvernement jusqu’en juin. Mais la commission électorale a interdit au leader de l’opposition le plus populaire, Maurice Kamto, de figurer sur le bulletin. (Kamto a passé neuf mois en prison après avoir revendiqué sa victoire lors de l’élection de 2018.)

La vraie démocratie sert de soupape de sécurité permettant à une population jeune d’exprimer son désir de changement. L’alternative est qu’elle se tourne vers la violence, voire le terrorisme. Biya a trouvé le moyen de rester au pouvoir, mais les tables actuarielles et la démographie du continent rendent le changement inévitable. Heureusement, les élections — légitimes — sont désormais plus nombreuses que les coups d’État en Afrique. Il existe de plus en plus d’exemples de partis au pouvoir perdant leur majorité au parlement et de présidents battus acceptant de céder le pouvoir après le comptage des voix. Les « Big Men » livrent leurs dernières batailles.

Source : New York Times

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