23ème championnat d’Afrique du «désordre»

Nous avons, volontairement, glissé dans le titre de cette rubrique un terme qui fera sourire tous les managers sérieux: désordre. Il semble qu’au Cameroun, ce mot recouvre un éventail extraordinairement large de phénomènes divers. Il est même utilisé sans méfiance, pour renvoyer à des choses tout à fait différentes. On entend souvent parler de «l’ordre du désordre» ou de «désordre de l’ordre», ou même de «l’ordre désordre». Nous n’allons pas expliciter tout ça. Mais nous laisserons à d’autres cette tâche ambitieuse, et nous nous en proposerons une autre, plus modeste.
Voilà, parlons du désordre dans l’organisation de la 23ème édition du championnat d’Afrique senior d’athlétisme qui vient de s’achever à Douala. Tout le monde sait qu’à divers niveaux, cet événement était fort cacophonique. Du 21 au 26 juin 2024, ceux chargés de gérer ledit championnat ont fini par nous donner le tournis avec leurs spectaculaires cascades de revirement. C’était oui, et non, puis à nouveau oui, puis non, selon les solutions que chacun d’entre eux a pu sortir de son chapeau. La grande fête de l’athlétisme africain, largement relayée, a brutalement été logée dans la «boîte noire camerounaise», où sont entrées des pressions et des manœuvres complexes, et d’où sont sorties des décisions et des actions (souvent de l’indécision et de l’inaction).
On en convient: tout cela ne saurait être le symbole fort d’une organisation bien pensée. C’est que, paré hier de toutes les vertus et de toutes les promesses, le Comité d’organisation est malheureusement devenu le laboratoire de tous les désordres. Faisant bailler et brailler l’opinion publique, ce Comité d’organisation a montré que ses maladresses ont dépassé toutes les possibilités d’un traitement «technique». Et pourquoi? La réponse se trouve dans la distribution inconsidérée de subsides, les excès de marchés et de produits dérivés. Ceux qui ont approché ce Comité d’organisation soupçonnent même que ce dernier a davantage recruté dans ses méandres des gens incapables de réduire la rapacité et les profits d’aubaine. De même, on soupçonne que, dans son évaluation interne, le Comité d’organisation n’a répondu à d’autres critères que le déni et l’opacité. Vrai ou faux, l’Histoire le dira!
Seulement, à cette allure, l’image du pays court à la catastrophe. C’est à se demander s’il n’a plus une garantie morale ou spirituelle. Puisque, dans ce désordre, seuls les comportements critiquables sont tolérés, l’aventurisme négligeant érigé en règle, la respectabilité des fauteurs de troubles à qui la chance a souri reste intacte en même temps que la myopie prévisionnelle, la citoyenneté et la rigueur deviennent des paroles creuses. L’image du pays court à la catastrophe, dès lors que ceux qui se présentent comme des «remparts» contre le désordre s’affichent comme ses complices objectifs, quand ce ne sont pas ses meilleurs alliés. Voyez comme, sur ce sujet, ils ânonnent les mêmes dénis avec le même air ahuri ou constipé. Personne ou presque, hélas, ne s’examine en fonction du coût potentiel de ses incertitudes et sur sa capacité à réparer ses erreurs. Dans quelques décennies, quand les historiens se pencheront sur notre époque rythmée par le désordre, ils risqueront des haut-le-cœur.

Jean-René Meva’a Amougou

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